“Je suis un homme discret (…) Je ne veux pas que ma famille soit à nouveau menacée.” De Mohamed Ben Slama, les New-Yorkais ne verront que certaines oeuvres, exposées en mai dans la galerie du FIAF dans le cadre du festival World Nomads sur la Tunisie.
Et pour cause, en juin 2012, il était au cœur d’une violente polémique dans son pays . Une exposition d’art contemporain, à laquelle il participait, avait donné lieu à des violences de la part de groupuscules salafistes. Depuis, il craint pour sa vie.
Deux de ses œuvres étaient à l’origine de la colère des islamistes: un écolier dont le cartable laisse s’échapper des fourmis traçant les mots “Sobhane Allah” (“Loué soit Dieu”) et “Couscous à l’agneau”, où on voit une femme nue tenant un plat de couscous entourée de barbus menaçants. Ses tableaux ont été saccagés et l’artiste a reçu des menaces de mort, qui l’ont conduit à s’exiler à Paris. “Je n’ai pas encore l’intention de revenir, les menaces pèsent toujours sur moi“, dit-il. Il est poursuivi par la justice tunisienne pour trouble à l’ordre public. “Les poursuites ne sont pas abandonnées d’après mes contacts en Tunisie. En plus, mes tableaux sont toujours confisqués pour l’enquête“. Un rappel que la liberté d’expression n’est pas acquise dans la Tunisie post-révolutionnaire.
Les tableaux exposés à New York? “Je les ai peints spécialement pour l’occasion“, déclare-t-il. “In God We Trust” rappelle “Couscous à l’Agneau” avec sa composition générale sombre montrant des hommes barbus au-dessus d’une femme nue. Quand on s’en approche, on lit les mots “Amour” écrits plusieurs fois en arabe sur le pubis de la femme. Une atmosphère obscure se dégage également de ses autres tableaux dont les détails se révèlent au spectateur qui prend la peine de se pencher dessus. Il ne sait pas quand il retournera en Tunisie. “J’ai une carte de séjour de trois ans, je reste à Paris pour le moment, j’ai des projets et je travaille beaucoup“, déclare-t-il.
Aux côtés de ses tableaux, le travail de quatre artistes tunisiennes est également présenté. Une vidéo de Mouna Jemal Siala montre une femme progressivement couverte de tissu noir. Amel Ben Attia, Héla Ammar et Nicène Kossentini représentent aussi des femmes, belles ou tragiques, dans des œuvres où la couleur est d’autant plus percutante qu’elle est rare.