On célèbre cette année les 100 ans de l’érection de l’Armory de San Francisco. Quoi de plus naturel que de visiter ce bâtiment historique? A un détail près: on y tourne maintenant des films pornos…
Construit en 1914, l’Armory a hébergé la Garde Nationale jusqu’en 1973. Pendant plus de trente ans, de projets en polémiques, l’austère forteresse est restée inoccupée. Jusqu’au rachat, en 2007, par Kink.com, site pornographique…
Chaque jour, les maîtres des lieux organisent des visites guidées, jusqu’à trois le week-end, deux durant la semaine. Le premier contact avec le guide – au milieu de la cantine – prend la forme d’une mise en garde: toute personne désirant visiter les lieux doit être âgée de 18 ans et consciente de ce qu’elle va voir, id est... des studios de tournage de films pornographiques couvrant tous les aspects du domaine BDSM – bondage et discipline, domination et soumission, sadisme et masochisme -, la spécialité de kink.com (on l’apprend en visitant bien entendu).
BDSM with a Mission
Au sous-sol, un tapis – énorme tatami – accueille régulièrement des combats entre hommes ou entre femmes. Il nous est possible de nous inscrire sur une liste pour y assister. Dans le couloir suivant, une lampe rouge clignote et nous invite au silence, voire à la retenue: tournage en cours. Quelques minutes plus tard, nous croisons deux acteurs visiblement épuisés. Leur scène est terminée, l’équipe procède au nettoyage d’un plateau que n’aurons pas le droit de visiter.
Si certains studios révèlent des ambiances pacifiques – salle de classe et son tableau noir, salon et cuisine dignes d’une série télévisée des années 80, bar à la lumière tamisée et aux bouteilles d’alcool remplies d’eau et de colorant -, d’autres jouent sur des “cordes” bien plus spécialisées et originales: salle de torture composée d’une chaise blanche et de deux trappes (l’une pour s’allonger, l’autre pour enfermer sa tête dans le sol), salle d’interrogatoire, cabinet de médecin et ses ustensiles, croix de St-André, table de travail et cage, carcan suspendu, chevalet de travail, cordes à l’envi.
Au 3e étage, ambiance Versailles et mise en garde: nous sommes filmés. Nous entrons dans un salon au mur duquel sont suspendus des tableaux à caractère tantôt érotique, tantôt ouvertement pornographique, dans toutes ses variations. Le salon – son feu ouvert, ses tables et ses bougies – est réservé régulièrement par la communauté BDSM locale pour l’organisation de soirées à caractère sado-masochiste raffiné, service traiteur compris. Un long couloir s’étend, affichant une série de peintures, un piano, des présentoirs, quelques fauteuils. Nous marchons et prenons quelques photos – le guide y encourage -.
Une porte s’ouvre et se referme devant nous: une formation au “sexe anal” est en cours, mais les participants désirent la discrétion. Avons-nous succombé à un fantasme en quittant l’imposant bâtiment du 1800 Mission Street? Les langues se délient. Certains sont ravis d’avoir “marché dans des salles qu’ils ont certainement déjà vues sur Internet”. Creepy winky faces, les 90 minutes sont passées, la récréation est terminée. Sages comme des images, nous recevons un bon de 20 minutes de projection gratuite sur n’importe quel site du producteur. “It’s on us!”
Photo: Armory Studios