Nous avons tous en tête ces images de maisons totalement détruites dont seule la cheminée en brique reste debout. Le bois semble donc être le coupable immédiat… Et ses alternatives au cœur des réflexions sur la reconstruction. En tant qu’architecte, exerçant à Los Angeles depuis 13 ans, après plus de 20 ans en France et à Singapour, je plaide pour un candidat trop souvent oublié : la terre !
Mais avant toute chose, nuançons les attaques contre le bois, coupable souvent trop facile. Certes, s’il est mal mis en œuvre, le bois sera effectivement vulnérable aux flammes. Pourtant, bien utilisé – avec des épaisseurs adaptées ou des traitements spécifiques –, il peut être plus stable face aux incendies que l’acier.
Ce débat sur le bois ne doit pas nous éloigner de l’essentiel : la nécessité de repenser collectivement et en urgence les méthodes de construction dans cette région si exposée aux catastrophes naturelles. La bonne nouvelle est qu’on observe, depuis une semaine, une agitation dans le monde des acteurs de la construction. Les autorités ont déclaré qu’elles aideraient à faciliter et à accélérer les processus de permis de reconstruire. J’ai moi-même été approché pour des projets de reconstruction et la première question est : comment mieux construire pour résister aux feux ? Les architectes, les promoteurs, les agents immobiliers se réunissent, organisent des débats pour envisager l’avenir.
Si le bois est omniprésent aux États-Unis, c’est bien sûr en raison de l’histoire de ce pays (les pionniers pouvaient ainsi construire rapidement leurs colonies). Mais s’il l’est demeuré, c’est avant tout pour des raisons de rentabilité : à faible coût, il est facilement standardisable et peut se contenter d’une main-d’œuvre relativement peu qualifiée. Les architectures à Los Angeles, de style méditerranéen, mid-century, Tudor, français, italien, craftsman, sont toutes construites de la même façon, en structure légère bois. Seul le style change. Le bois offre en outre la possibilité de construire des bâtiments relativement résistants aux tremblements de terre.
Avant l’arrivée des colons européens, les peuples autochtones utilisaient les ressources locales, notamment la terre. Avec l’arrivée des Espagnols, la construction en adobe – ces briques de terre et de paille séchées au soleil – s’est développée. Les exemples historiques à Monterey, Santa Barbara ou San Diego témoignent de la résilience de ce matériau face aux incendies.
Mais qu’en est-il des tremblements de terre ? Une construction en terre archaïque et mal entretenue sera effectivement vulnérable. Cependant, depuis les années 1970, des pionniers en Europe, puis aux États-Unis, ont développé des techniques modernes permettant à la terre de résister à la fois aux séismes et aux incendies. Ces avancées techniques rendent aujourd’hui cette alternative tout à fait viable.
Pourquoi, alors, ne voyons-nous pas plus de constructions en terre ? Plusieurs obstacles subsistent : une image archaïque associée à ce matériau; un manque d’expertise dans les corps de métier, ainsi qu’au sein de l’administration, qui peine parfois à interpréter correctement les calculs des ingénieurs structure pour une maison en terre; une course à la rentabilité qui favorise les matériaux standardisés.
Pourtant, des solutions existent. Les assureurs pourraient imposer des normes plus exigeantes pour favoriser l’usage de matériaux plus résistants. Les autorités et organismes de certification doivent continuer à amender les codes du bâtiment. D’ores et déjà, après les incendies, les autorités de l’État de Californie ont promis qu’elle faciliteraient les procédures au niveau du Building Department. Les architectes, eux, ont le rôle-clé d’orchestrer ces efforts en proposant des projets novateurs et esthétiques.
La construction en terre présente de nombreux avantages environnementaux. Elle est écologique, recyclable et contribue à créer des espaces sains. Dans un monde confronté au changement climatique, ce matériau coche presque toutes les cases. Mais au-delà de ses caractéristiques techniques, c’est son effet apaisant et spirituel qui s’impose. Habiter une maison en terre, c’est être en connexion directe avec la nature. Comme le disait le chef amérindien Seattle : « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. » Ayons ceci à l’esprit lorsque nous réfléchissons à des solutions.
Chaque semaine, French Morning publie la tribune d’une personnalité, extérieure à la rédaction, sur des sujets transatlantiques variés, afin d’alimenter le débat d’idées. La tribune n’étant pas signée par la rédaction, elle ne reflète pas la position de French Morning. Si vous souhaitez contribuer et proposer un texte, merci de nous contacter à l’adresse suivante : [email protected]
À propos de l’auteur : Karim Ladjili est architecte, installé à Los Angeles depuis 13 ans. Il a fondé Atelier KL en 2015. Diplômé de l’École d’architecture de l’Université de Strasbourg, il est aussi titulaire d’une maîtrise en construction en terre de l’Université de Grenoble.