Dans un square situé à l’intérieur de l’American of Dramatic Arts de Los Angeles, deux étudiants se battent à coups d’épées, sous le regard concentré de leurs camarades.
« L’escrime, c’est génial ! », s’exclame Raphael Dirani, élève en deuxième année de cette de cette prestigieuse école d’art dramatique de Los Angeles, où sont passés notamment Jessica Chastain, Carrie Anne Moss (Matrix) ou Paul Rudd.
Raphael Dirani fait partie de la poignée d’étudiant français qui suivent des cours dans cette école d’acteurs. « En France, je faisais des jeux de rôle grandeur nature, poursuit-il. On se battait avec épées en mousse. Ici c’est un peu pareil, sauf qu’il faut se forcer à faire de grands gestes pour théâtraliser la scène. »
Raphaël Dirani a 21 ans. Apprenti comédien passé par la case IUT pour rassurer ses parents, il a quitté la banlieue parisienne pour Los Angeles il y a deux ans.
Il connaissait déjà la ville pour avoir rendu visite à son parrain qui vit dans la région, et parlait déjà anglais grâce à la section européenne suivie dans son lycée. Malgré cela, « au début cela a été difficile. Les choses démarrent très vite à l’école. Mais les professeurs d’ici ont tout de suite mis le doigt sur mes difficultés, contrairement à ceux que j’avais en France ».
Outre l’escrime, l’American Academy enseigne le jeu d’acteur (sur scène et devant la caméra), la danse, le chant, l’histoire du théâtre, l’analyse des textes, le doublage, et même la manière de gérer sa carrière d’acteur.
Le cours le plus passionnant, pour tous ces élèves acteurs de langue française, c’est le “voice and speech” : l’enseignement des divers dialectes et accents anglais, y compris l’américain standard, l’anglais que l’on entend à la télévision.
“J’ai découvert par exemple qu’il fallait prononcer le h dans les mots comme where ou why. Et qu’il y a avait deux sortes de i en anglais: le long de we, et le court de is”, raconte Christina Camara, élève en première année. Née en Côte d’Ivoire, cette fan de comédies musicales a passé les 18 premières années de sa vie entre l’Afrique et la France, puis s’est tournée vers des études artistiques, en opposition à la culture scientifique de sa famille. D’abord une école d’arts à Londres, puis le théâtre à L.A. « Au début, j’ai été déçue par la ville. Elle ne ressemblait pas du tout à l’idée que je m’ en étais faite à travers les films. Finalement elle me fait penser à l’Afrique. Comme là-bas il fait chaud et on a toujours besoin d’une voiture ! »
Pour Juliette Guilbaud, Los Angeles, c’est surtout un lieu vivant, et où il fait beau. Elle y habite depuis quatre ans, et a un petit copain américain qui travaille dans une agence de comédiens. « Pas question de retourner en France ! Là-bas les gens sont malheureux », lance cette jeune femme pleine d’assurance. Juliette Guilbaud sait qu’elle doit sa chance de suivre les cours de l’American Academy à ses parents, qui ont les moyens de soutenir ses envies. Une année d’études à la AADA coûte environ 38 000 dollars, sans compter les frais de logement.
Pour payer ses études, Diane Malleville travaille après les cours : ménages, jardinage.. Cette jolie brune aux yeux verts n’arrête pas. Son parcours est plus atypique que celui de ses camarades, car elle a déjà eu une carrière dans le cinéma côté production à Paris, avant de tenter celle de comédienne à Los Angeles. « Je ne me sentais pas épanouie dans ce que je faisais mais je n’avais pas confiance en moi. »
Finalement, elle décide de franchir le pas il y a deux ans et prépare l’audition de l’American Academy toute seule pendant quatre semaines. “Il faut présenter deux monologues de son choix”, explique Diane Malleville. “Il y a également un entretien et une lettre de motivation à remettre.” Le jury est constitué d’une seule personne, choisie parmi plus anciens professeurs de l’école.
L’école compte en tout 300 élèves, dont seulement 21 en troisième année. Seuls les meilleurs peuvent intégrer cette année supplémentaire qui offre aux apprentis comédiens la possibilité de présenter des pièces devant un public de professionnels, dans l’espoir d’être engagés.
Car l’objectif, bien sûr, c’est de vivre de son art. Depuis qu’ils apprennent à jouer dans la langue de Shakespeare, tous ces « Frenchies » de l’American Academy souhaitent faire carrière aux Etats-Unis.
Raphaël Dirani n’a pas attendu la fin de ses études pour cela : il joue depuis quelques mois dans une web série dont l’histoire se passe dans la communauté homo de nos jours et dans les années 80.
Si elle n’arrive pas à rester ici, Christiana Camara se voit bien jouer à West End, « le Broadway de Londres ». Diane Malleville aimerait idéalement faire carrière entre les Etats-Unis et la France. Seule Juliette Guilbaud conçoit un futur sans être comédienne. Car l’essentiel, pour elle, « c’est de rester à los Angeles !».