Percer en tant qu’auteur n’est pas la panacée, et il s’agit d’autant plus d’une performance quand on ne publie pas dans sa langue maternelle. C’est le cas d’Anne-Sophie Jouhanneau, autrice qui vient de publier son troisième roman aux États-Unis, The French Honeymoon, chez la maison d’édition Sourcebook.
Si elle écrit depuis de nombreuses années, Anne-Sophie Jouhanneau a longtemps pensé, de son propre aveu, qu’elle ne pourrait jamais publier dans son pays d’adoption, les États-Unis. Après avoir écrit pas moins de 17 guides et des romans pour les éditions Fleurus et avoir passé quelques années en Australie, elle pose ses valises à New York avec son mari en 2010. « Je voulais publier en anglais et avoir une carrière à New York, mais j’ai beaucoup douté de moi et j’ai mis du temps à m’en sentir capable », évoque-t-elle. En attendant, elle se lance dans une carrière réussie de copywriter en freelance, et décroche de belles missions chez WeWork ou Snapchat. Mais son rêve reste ancré en elle, et elle finit par se jeter à l’eau.
Elle écrit un premier roman jeunesse en 2018 et décroche un agent, qui l’aide à pitcher son manuscrit à une maison d’édition. Si ce premier livre ne se vend pas, une éditrice lui propose de travailler sur un projet existant, qui deviendra son premier roman jeunesse. Comble de la réussite pour une autrice émergente, Anne-Sophie Jouhanneau réussit à vendre deux romans jeunessse (« young adults » en anglais) à la plus prestigieuse des maisons d’édition américaine, Penguin Random House. Kisses and Croissants sort en 2021 et a été traduit en dix langues, puis French Kissing in New York, début 2023, traduit en neuf langues.
Si elle connaissait le milieu de l’édition en France, elle découvre dès cette première expérience les codes du marché américain. « Pour moi, il existe deux différences principales entre l’édition aux États-Unis et en France. D’une part, il est indispensable d’avoir un agent pour échanger avec les grosses maisons d’édition ici, tout est intermédié. D’autre part, les délais sont beaucoup plus longs, il faut compter en général 18 mois à deux ans entre l’acquisition d’un roman par une maison d’édition et sa publication », raconte Anne-Sophie Jouhanneau.
Car la vision même de ce qu’est un livre diffère entre les deux continents : « Un roman est un produit aux États-Unis, alors que c’est encore de l’artisanat en France. » Cela signifie que le synopsis et le pitch sont essentiels pour s’assurer de bien commercialiser le livre, une fois qu’il est finalisé. « Nous devons apprendre comment présenter notre livre et le comparer à ce qui existe déjà. Par exemple, c’est dans l’univers d’Emily in Paris mais … », explique-t-elle. C’est la raison pour laquelle, en tant qu’autrice, l’intrigue est très importante, elle permet de trouver un public et une demande large, et de convaincre les maisons d’édition.
Pour ce dernier roman, The French Honeymoon, Anne-Sophie Jouhanneau s’est prêtée au jeu du thriller, dans lequel la jeune Taylor arrive mystérieusement à Paris sans mari mais avec beaucoup d’argent en liquide, et commence à suivre avec obsession un couple qui semble filer le parfait amour. « J’ai eu envie d’écrire sur une lune de miel à Paris qui ne se passe pas du tout comme prévu, car les Américains ont cette vision très romantique de la ville. Décrire toute la magie de cette ville, mais casser son image très lisse », s’amuse-t-elle. Pour démontrer que contrairement aux idées reçues, Paris peut parfois être une très mauvaise idée.