Angélique Kidjo n’avait que 9 ans quand elle découvrit la chanteuse Miriam Makeba, alias “Mama Africa”.
C’était à la fin des années 60, dans son Benin natal. Un groupe de manifestantes qui réclamaient le droit de vote et le droit à l’avortement, auquel appartenait sa mère, avait repris la mélodie de l’une de ses chansons, “The Retreat Song”, en changeant les paroles. “C’était waouh“, se souvient la star aujourd’hui.
A l’époque, elle ne se doutait pas qu’elle deviendrait l’amie de la légende. Après tout, Miriam Makeba était déjà une star internationale grâce à son tube “Pata, Pata”. Elle venait de devenir la première femme noire à remporter un Grammy (en 1966) et avait été invitée à chanter à l’anniversaire de John Fitzgerald Kennedy au Madison Square Garden. Angélique Kidjo, elle, faisait ses premiers pas dans la chanson, sur les scènes de Cotonou.
Les deux femmes partagent pourtant de nombreux points communs. Le goût, très jeune, pour la musique. Cette musique qui les extirpa chacune de leurs milieux modestes pour les propulser au rang d’ambassadrices de l’Afrique en occident. L’exil, ensuite. En 1983, Angélique Kidjo quitta le Benin, alors sous joug communiste, pour Paris. Miriam Makeba, de retour précipité en Afrique du Sud des Etats-Unis, pour enterrer sa mère, fut privée de territoire à cause de ses positions anti-apartheid – les autorités avaient révoqué son passeport. “Elle était bloquée, seule”, raconte Angelique Kidjo.
Très tôt dans leur vie, les deux femmes cherchent à dénoncer les inégalités. Entre les hommes et les femmes pour Angélique Kidjo, qui a vu sa mère élever une famille de dix enfants avec un salaire – “Je ne sais pas comment elle a fait. Mes parents étaient prêts à se serrer la ceinture pour nous envoyer à l’école“. Entre les noirs et les blancs dans une Afrique du Sud déchirée par l’apartheid pour la seconde. Une seule arme pour les deux femmes: la musique. “Nous les chanteurs, nous avons une voix pour chanter pour ceux qui n’en ont pas”, selon Angélique Kidjo.
La diva béninoise et “l’impératrice de la musique africaine” se sont rencontrées en 1989, sur la scène de l’Olympia, début d’une longue amitié. Angélique Kidjo était alors en pleine ascension, en chemin pour devenir la star que tout le monde connait. Miriam Makeba multipliait les concerts contre l’apartheid. Elle meurt en 2008 d’une crise cardiaque en Italie. “J’ai appris la nouvelle le matin. Le petit déjeuner n’est pas passé. Vraiment pas passé“, se souvient Angélique Kidjo.
Alors, pour se souvenir, de “l’esprit de cette boule d’énergie, de sa grâce“, Angélique Kidjo lui rend hommage sur les scènes du monde. Paris et Londres en 2009, puis l’Allemagne, la Suisse et les Caraïbes. Et aujourd’hui, les Etats-Unis, où Miriam Makeba a lancé sa carrière internationale. Ce sera le 5 novembre lors d’un grand concert au Carnegie Hall, avec la participation de Whoopi Goldberg et de chanteurs africains.
“Sans Miriam, j’aurais sans doute fait de la chanson, mais pas de la même manière, raconte la chanteuse. Quand on chantait en Afrique, impossible d’avoir une carrière. On vous traitait de “pute”. Mes parents étaient toujours derrière moi. Ma mère me préparait mes costumes et mon père venait me voir aux concerts. Mais ils n’étaient pas en phase avec le reste du pays. Miriam m’a montré qu’il était possible de faire carrière.”