C’est “Black Friday”. Au coin de la 40ème rue et de la 6th Avenue à Manhattan, une longue file d’attente s’est formée sur le trottoir. Au milieu des passants, entre un camion de ciment et une zone de chantier où s’affairent quelques ouvriers, Mickaël Cova s’occupe de faire rentrer les clients au compte-goutte dans le tout nouveau Angelina de New York, ouvert le 17 novembre. “C’est fou. Les New-Yorkais nous ont réservé un accueil auquel on ne s’attendait pas du fait de la conjoncture actuelle. Ils sont même prêts à faire la queue un long moment pour pouvoir vivre l’expérience Angelina“, s’exclame le Français.
Ce dernier fait partie du trio derrière ce lancement très attendu. Ancien expert-comptable, il s’est allié avec deux de ses cousins – dont le financier Julien Zerbib – pour ouvrir le fameux salon de thé à New York, première implantation de la marque aux États-Unis après l’Asie et le Moyen-Orient. Basés en France en attendant de s’installer de manière permanente aux États-Unis, ils travaillent sur place avec Anthony Battaglia, un ancien du restaurant français Le Coq Rico qui a également participé à l’ouverture des boulangeries Maison Kayser aux États-Unis. Il est le directeur des opérations de cette “master franchise”, formule où la maison-mère (le groupe Bertrand, propriétaire de plusieurs hôtels, restaurants réputés, comme la Brasserie Lipp et Le Procope, et de fast foods) et les franchisés se partagent les royalties sur des marchés stratégiques.
“Avec mes associés, nous nous sommes aperçus qu’il y avait une demande aux États-Unis pour la food française de haute-qualité. Nous avons saisi l’opportunité, confie Mickaël Cova. Il y a une forte demande à New York en particulier, avec sa large communauté française et ses touristes, pour ce genre de concept. Angelina est typiquement le service qui peut plaire aux New-Yorkais”.
Le projet d’ouverture est dans les cartons depuis plus de deux ans. “Pendant tout l’été 2018, on a écumé les rues de New York à la recherche d’un espace“, se souvient-il. En début d’année, les associés ont jeté leur dévolu sur un petit espace situé au rez-de-chaussée d’un bâtiment résidentiel de luxe de 72 unités à côté de Bryant Park. Malheureusement pour les admirateurs d’Angelina, la Covid a rebattu les cartes. L’ouverture, initialement prévue pour le printemps, a dû être reportée à cause des retards pris dans la réalisation des travaux et l’obtention des permis. “La question d’arrêter ne s’est pas posée plus que ça car nous avons une clientèle loyale qui attendait l’ouverture et nous sommes conscients du potentiel de la marque à New York et dans le reste du pays“, explique Mickaël Cova.
À la différence de ses concurrents, Angelina peut compter sur une clientèle internationale déjà très fidèle, séduite par l’univers raffiné de la marque fondée en 1903 et fréquentée par Coco Chanel et d’autres célébrités. Sans oublier ses produits iconiques, dont son fameux chocolat chaud onctueux qui fait sa réputation dans le monde entier. Contrairement à Maison Kayser, qui a parié sur des ouvertures en série et une croissance rapide (avant de fermer boutique sur fond de pandémie), “nous ne voulons pas avoir des enseignes à tous les coins de rue, souligne Anthony Battaglia, qui a passé un an chez Maison Kayser USA en 2015. Si on peut avoir trois ou quatre adresses à New York, ça sera notre maximum“.
Des ouvertures sont envisagées dans d’autres villes (Miami, Washington, Dallas, Los Angeles, Las Vegas…), mais “on veut déjà voir comment la marque sera perçue avant de penser au développement en dehors de New York, ajoute Mickaël Cova. L’établissement de New York offre un large éventail de pâtisseries à emporter – dont son classique dessert Mont-Blanc – et un salon de soixante places avec un menu complet de plats américains et français, le tout dans un décor chic et lumineux doté de lustres aux allures de pièces montées, de miroirs et de peintures de paysages. Toutes les pâtisseries sont faites sur place, à l’exception des macarons, par la cheffe-pâtissière Noémie Tessier, venue de France. Angelina vend aussi des produits dérivés (thés, chocolats chauds…) sur place et en ligne. Elle a déjà reçu des commandes de Californie, du Texas et du Midwest, preuve de son rayonnement en dehors de la Grosse Pomme, selon son équipe dirigeante aux États-Unis.
Mickaël Cova et Anthony Battaglia restent discrets sur l’investissement réalisé pour ouvrir cette première adresse. (Selon le profil de l’un des associés, quelque quatre millions d’euros ont été investis dans l’opération par le groupe immobilier IDEC). Ils sont plus bavards sur d’autres chiffres: “Quand on a ouvert, on a dû réorganiser notre outil de travail pour faire face à la demande. Nous étions à 150-200 pâtisseries par jour. On en sort 1 000 maintenant“, précise Anthony Battaglia. Une bonne performance compte-tenu du fait que la Covid a vidé le quartier de Midtown, où Angelina a élu domicile, de ses touristes internationaux et d’une partie de ses résidents et bureaux. “Nos clients se réjouissent qu’on soit venu à eux car ils ne peuvent pas voyager à cause de la Covid-19, ajoute Mickaël Cova. Dans le passé, ils sont allés dans notre établissement historique de la Rue de Rivoli ou ailleurs dans le monde. Angelina a un fort potentiel de développement“.