Une rétrospective sur trois étages, couvrant près de quarante ans de la carrière du maître du pop art à travers plus de 300 oeuvres: “Andy Warhol— From A to B and Back Again”, a ouvert au public ce dimanche 19 mai au SFMOMA et se déroulera jusqu’au 2 septembre. Première rétrospective sur l’artiste depuis 1989, elle est assurément l’exposition à ne pas rater cette année au SFMOMA.
Le titre de l’exposition est inspiré du livre autobiographique The Philosophy of Andy Warhol (From A to B and Back Again), publié par l’artiste en 1975. C’est donc logiquement par ordre alphabétique que s’effectue la visite, le gros des oeuvres étant regroupé au quatrième étage, et l’audioguide (7 dollars / 4 dollar pour les membres) qui l’accompagne permet vraiment d’apprécier les thèmes qui ont jalonné la carrière de Warhol.
On commence par les objets de grande consommation, représentés en séries, comme les boîtes de soupe Campbell, les sérigraphies consacrées aux bouteilles de Coca-Cola et aux billets de banque, ainsi que les barils de lessive Brillo.
Dans la salle consacrée au désir masculin, Elvis et Marlon Brandon, fantasmes de cette génération, côtoient les “Thirteen Most Wanted”, comme un rappel de l’attrait de l’interdit ressenti par Warhol, qui n’a jamais caché son homosexualité même à l’époque où celle-ci était encore illégale.
Ses oeuvres représentent souvent des icônes de son temps, que Warhol vénère comme les saints de la religion grecque-catholique ruthène dans laquelle il a baigné toute sa vie, depuis sa naissance en 1928 à Pittsburgh dans une famille originaire de Slovaquie. Ces icônes sont Marylin Monroe, Jackie Kennedy, Elizabeth Taylor, et même la Joconde, dont l’exposition aux Etats-Unis en 1963 attira les foules. On les retrouve multipliées à l’infini et colorées à l’excès. A la même époque, Andy Warhol reçoit de nombreuses commandes pour réaliser des portraits: l’adage “everyone will be famous” se concrétise, toujours en couleurs vives.
La série “Death and Disasters” dépeint un univers plus sombre: chaise électrique, ségrégation et accidents de la route s’exposent en formats géants, créant un certain malaise. Il se dissipe vite dans une salle où des fleurs colorées parsèment des murs jaunes recouverts de vaches roses.
En 1968, Andy Warhol échappe de justesse à un tentative d’assassinat: il ne peint quasiment aucune toile pendant les quatre années qui suivent, sortant de son silence artistique en 1972 avec un portrait iconique de Mao. Il affirme aussi son soutien au candidat démocrate à la présidentielle George McGovern, en détournant un poster électoral: Richard Nixon, son adversaire républicain, y est représenté avec un visage verdâtre, au dessus du message “Vote McGovern”.
La dernière décennie de la carrière de Warhol s’articule autour de différentes explorations: il s’interroge sur la question de l’identité, avec de nombreux portraits de la communauté queer et drag, et plusieurs clichés de l’artiste lui-même déguisé en femme. Il s’intéresse aussi de plus en plus à l’abstraction, comme en témoignent les toiles intitulées “Rorschach”, et “Oxydation painting”, une expérience menée par Warhol qui urinait sur ses toiles pour observer l’oxydation des pigments en découlant. Il réalise enfin des toiles en collaboration avec la nouvelle génération, en particulier Jean-Michel Basquiat et Keith Haring.
Au cinquième étage, on peut visionner plusieurs émissions de télévision réalisées par Warhol dans les années 1980, et diffusées sur MTV. Une salle est également consacrée à une série de portraits, de Debbie Harry au Shah d’Iran, de Dolly Parton à Julia Warhola, la mère de l’artiste.
La visite ne serait complète sans un arrêt au deuxième étage, où sont exposées des oeuvres des années 1950: diplômé du Carnegie Institute of Technology, Warhol fut un illustrateur commercial à succès, notamment pour la marque de chaussures I. Miller and Sons. Des dessins plus explicites, réservés à un cercle d’intimes, expriment l’homosexualité assumée de l’artiste. Le mélange des deux styles et les techniques préfigurent déjà les multiples facettes d’un artiste incontournable du XXe siècle.