En 2018, Andréa Bescond recevait une standing ovation au Théâtre du Lycée français pour sa pièce « Les Chatouilles ou la danse de la colère ». Cette pièce raconte l’histoire d’Odette, une enfant violée par Gilbert, un ami de la famille. Andréa Bescond est seule en scène, interprétant plus de 20 personnages. Elle est tout d’abord Odette, le personnage principal dont le prénom est une référence au cygne blanc du « Lac des Cygnes » : un personnage très ambivalent, qui trouvera son salut dans la danse. Elle incarne aussi les parents d’Odette, son agresseur, ou encore son meilleur ami Manu.
Le vendredi 28 février, elle sera à nouveau sur cette même scène pour interpréter cette pièce qui ne peut laisser le spectateur indifférent. Mise en scène pour la première fois en 2016, bien avant #MeToo ou la publication de livres comme « La familia grande » de Camille Kouchner sur la pédophilie, « Les Chatouilles » a reçu le Molière du meilleur seul en scène, avant d’être adaptée au cinéma et de remporter le César de la meilleure adaptation pour Andréa Bescond et Eric Métayer, et celui de la meilleure actrice dans un second rôle pour Karin Viard. Si Andréa Bescond a eu envie de revenir sur la scène du TLF, c’est à la fois par amitié pour son directeur artistique, Frédéric Patto, mais aussi pour faire découvrir la pièce à un nouveau public : « Jouer devant un jeune public, pour des lycéens ou des parents avec leurs enfants, c’est le mieux car cette pièce est un outil artistique préventif. Ce fléau est partout, donc savoir, c’est mieux lutter. »
Aux parents qui s’interrogent sur l’âge minimum à avoir pour voir ce spectacle, Andréa Bescond la conseille à partir de 11-12 ans. « La pièce est suffisamment onirique pour parler à un enfant, mais elle traite tout de même de pédocriminalité, donc c’est très important d’en parler avant et après, recommande t-elle. Quand je parle aux enfants de la pièce, ils retiennent en général l’humour et la danse. La pièce est délibérément comique et je pousse les curseurs de la comédie encore plus. »
Andréa Bescond reconnaît qu’avec les années, elle a eu le temps de travailler sur ses traumatismes, et son jeu sur scène s’en est trouvé apaisé : « Au début, je me confrontais à un tsunami qui m’a submergée et replongée dans cette blessure. Puis au fur et à mesure, cette plaie a été pansée. Avant, je montais sur scène comme pour un match de boxe, maintenant je prends un réel plaisir à interpréter “Les Chatouilles“, le jeu est plus fin, plus apaisé… »
Si le combat contre la pédocriminalité est loin d’être gagné, et que la prise en charge politique et sociale reste insuffisante, la comédienne constate une réelle évolution des mentalités sur le sujet. Quand elle a commencé à jouer « Les Chatouilles », Andréa Bescond percevait une gêne certaine par rapport à ce sujet sur lequel peu de gens avaient le courage de s’exprimer. « La honte a changé de camp. Quand je lève le poing sur scène en signe de victoire, de nombreux spectateurs se joignent à moi. Oui, j’ai été une victime mais j’en ai fait une force. Je vais sur scène pour me défendre et montrer qu’une femme peut tout défoncer pour trouver la clef du bonheur. »
Ce combat résonne encore plus fort dans l’Amérique d’aujourd’hui. Andréa Bescond reconnaît la très grande inquiétude provoquée par le début du mandat de Donald Trump, et les décisions de son administration qui remettent en question le droit des femmes, des homosexuels et des transgenres. « Son boys club est très flippant, on assiste à un recul misogyne avec la remise en cause du droit à l’avortement, et je pense aux personnes précaires, aux homos, aux trans. Face à la « broligarchie » actuelle, il est d’autant plus important pour moi de défendre l’intégrité des gens. »
« Les Chatouilles ou la danse de la colère », Théâtre Erick Moreau du Lycée français, 1201 Ortega Street, SF. Vendredi 28 février à 7:30pm. Billets à réserver ici.