Yves Bigot, directeur général de TV5, a des mots de grand traumatisé: “le but, c’était de nous détruire (…), on commence tout juste à pouvoir penser à autre chose, après un an à essayer de survivre”.
L’évènement traumatique, c’est bien sûr la cyber-attaque subie par la chaîne francophone le 8 avril 2015 quand, un peu après 20 h heure de Paris, tous les écrans sont passés au noir, pendant plusieurs heures. Au même moment, TV5 perdait aussi le contrôle de ses comptes sur les réseaux sociaux. Les hackers se revendiquaient de l’Etat islamique, mais l’enquête menée a ensuite identifié les attaquants comme russes, appartenant à un groupe nommé APT28.
De passage à New York pour le lancement de “21è siècle”, une émission co-produite avec l’ONU, Yves Bigot est revenu sur cet épisode. L’Anssi, agence du gouvernement chargée de coordonner la défense française face aux cybercriminels, “estime que 80 % des entreprises victimes d’attaques de cette nature disparaissent dans les deux ans” a-t-il précisé.
TV5 est toujours là, mais l’épreuve fut rude. Et coûteuse: 4,6 millions d’euros pour 2015, plus de 3 millions d’euros en 2016. “Et encore 2 millions par an en vitesse de croisière”. Il a fallu renouveler du matériel rendu inutilisable par l’attaque, changer les logiciels, les procédures… “Et surtout s’assurer que ça ne pourrait plus recommencer”, insiste Yves Bigot. La sécurité informatique de l’entreprise est désormais assurée par Airbus Défense, ainsi que six ingénieurs recrutés en interne pour l’occasion.
C’était la première fois dans le monde qu’une chaîne était contrainte à “l’écran noir” par des hackers. ‘”Notre expérience a servi d’alerte aux autres: tous les patrons disent ‘on est prêt’, mais en réalité les directeurs de la sécurité viennent nous voir pour nous dire qu’ils ne le sont pas”.
Si TV5 a survécu à l’attaque, elle a dû faire profil bas pendant quelques temps. Les pays partenaires de la chaîne (France, Belgique, Suisse et Canada) ont couvert 40% de la facture. Pour le reste “on a fait des économies sur le marketing et l’achat des programmes. Nous avions un catalogue fourni, qui nous avons utilisé”.
Pour prouver que la vie de TV5 continue, Yves Bigot est venu à New York célébrer le lancement d’une nouvelle saison d’une émission de grands reportages, “21ème siècle”, produite par la télévision des Nations Unies et diffusée par TV5. Remettant pour un instant sa casquette d’ancien journaliste musical, Yves Bigot a lui-même proposé le nom d’Angélique Kidjo pour présenter cette nouvelle saison: “qui de mieux qu’une Franco-béninoise, vivant à New York et connue dans le monde entier pour incarner ce XXIème siècle globalisé”. La chanteuse, ambassadrice de bonne volonté de l’UNICEF, est engagée de longue date notamment en faveur de l’éducation des filles en Afrique.
Le premier épisode de la nouvelle saison de “21ème siècle” est diffusé à partir du vendredi 11 mars sur TV5.