C’est un fait, une grande majorité des Américains vit à crédit. Beaucoup plus que les Français en tout cas. Selon les chiffres de la Banque de France, le taux d’endettement des ménages américains est de 132,1% du Revenu Disponible Brut (part de revenus qui reste dans la poche des ménages une fois les impôts et cotisations salariales payés et les aides sociales reçues) contre 93,2% pour les ménages français. Cet endettement représente, au total, 58,4% du PIB en France contre 103,1% aux USA. Il n’y a donc pas photo… Les chiffres montrent que par rapport aux pays développés en général, les Américains sont loin devant, même comparés aux 86,2 % du PIB que représente l’endettement des ménages du Royaume-Uni.
Selon les derniers chiffres de la Reserve Fédérale américaine, le montant de la dette d’un ménage américain moyen s’élève à $137 063. Alors même si l’on exclut l’endettement immobilier, les prêts étudiants qui ne cessent d’atteindre des niveaux records ($1,3 trillions en 2016), ou même les medical debts (la première raison de faillite personnelle ), les Américains ont largement recours au crédit dans leur vie quotidienne. Le ménage américain moyen a une dette en cartes de crédit de $16,883 sur laquelle il paie $1.292 d’intérêts par an.
Alors pourquoi cette habitude ? Sont-ils encouragés par le système ? Comment vivent-ils avec cet endettement sur le dos ? Est-ce dangereux ? Tentatives de réponses à une question pas si bête…
Le “credit score”
Si vous avez déjà tenté de contracter un prêt aux États-Unis vous êtes familier avec la notion de credit score. Cet indice censé refléter votre solvabilité, en d’autres termes le risque qu’un établissement de crédit encourt à vous prêter de l’argent. Il existe trois bureaux différents (Equifax, TransUnion, Experian) chargés d’évaluer votre rapport au crédit avec un score numérique dont la valeur oscille entre 300 et 850. Il établit votre profil financier pour savoir si vous êtes un élève sérieux (si vous payez vos factures et remboursez vos dettes à temps) ou un mauvais payeur. Plus votre note sera haute, plus vous serez apprécié des banques et plus vous obtiendrez une carte de crédit ou un crédit facilement (et meilleur sera le taux d’emprunt).
Or cette note, elle se gagne. Si vous voulez un jour devenir propriétaire de votre logement ou de votre voiture, vous n’avez pas vraiment d’autre choix que de jouer le jeu. Plus vous montrez que vous savez gérer votre endettement, plus vous aurez accès au crédit. Pour se constituer un bon credit Score, il faut donc progressivement multiplier les lignes de crédit et donc, les cartes de crédit.
« Le système vous pousse à vous endetter. Il y a une prime à l’endettement», explique Jonathan Morduch, professeur d’Économie et de Politiques Publiques à la New York University et co-auteur du livre The Financial Diaries: How American Families Cope in a World of Uncertainty (ed. Princeton Univeristy Press. 2017). « Mais surtout, les banques créent et font constamment la promotion de nouveaux produits toujours plus attractifs qui poussent les ménages à s’endetter; grâce à des taux d’intérêts très bas ou bien des primes comme des miles aériens par exemple; et qui les mettent dans des situations délicates. Ces organismes profitent du fait qu’il est naturellement plus facile de consommer que d’épargner. »
Sollicités donc à longueur de journée par la publicité, dans un environnement facilitant le crédit pour toutes sortes d’achats, les Américains sont plus incités à consommer qu’à mettre de l’argent de côté. Une nouvelle enquête montre qu’ils se comportent plus que jamais en cigales. Selon ce sondage du comparateur GoBankingRates en septembre 2016, 69% des américains vivent avec moins de 1000 dollars d’économies.
La culture américaine
Bien sûr, le facteur pauvreté vient en premier pour expliquer cela. Un peu plus de 43 millions d’Américains vivent sous le seuil de pauvreté (13,5%). Mais cette incapacité à épargner se retrouve cependant chez des personnes gagnant plus de 100.000 dollars par an : ils sont 44% à déclarer avoir moins de 1.000 dollars de côté. Ils sont même encore 29% chez les Américains aux revenus dépassant 150.000 dollars par an. Vivre à crédit, souvent au-dessus de ses moyens, reste un comportement bien ancré dans la culture des ménages américains.
« Il y a définitivement un facteur culturel car il est difficile de dissocier le crédit de la consommation ici, note Jonathan Morduch. Et l’accroissement des inégalités aux États-Unis et l’affaiblissement des classes moyennes renforcent le phénomène. Les ménages vivent au-dessus de leurs moyens. Pour répliquer ce que les riches ont, les moins riches empruntent. »
Le moteur de l’économie
L’économie américaine dépend donc à nouveau beaucoup du crédit. Quitte à ce qu’il n’y ait plus de garde fous, comme en 2008. « L’endettement est un moteur de la croissance ici. C’est un marché principalement stimulé par l’offre, constate Jonathan Morduch. Le crédit est bien plus disponible aux US qu’en France par exemple. Après les restrictions liées au crash de 2008, les banques multiplient à nouveau les offres de crédit. »
Selon la Réserve fédérale américaine, pour la première fois dans l’histoire du pays, le montant cumulé des dettes contractées par cartes de crédit a atteint le “niveau critique” de mille milliards de dollars. Le chiffre actuel a battu le record précédent, enregistré avant la crise économique de 2008.