Quatre femmes souriantes autour de la Secrétaire d’Etat, malgré la perte il y a 15 ans d’un être cher. Quatre fortes personnalités venues expliquer à Juliette Méadel comment elles ont réussi à continuer à vivre.
Après Washington, la secrétaire d’Etat chargée de l’aide aux victimes est venue à New York, samedi 29 octobre, rencontrer ces mamans, ces veuves de victimes du 11-Septembre, pour essayer de comprendre leur parcours. « Les Américains ont une expérience qu’on n’a pas, parce que le 11 septembre 2001 a déjà 15 ans. J’ai voulu rencontrer ces personnes parce qu’elles ont commencé à se reconstruire et elles peuvent nous apprendre beaucoup ».
Juliette Méadel a été nommée trois mois après les attentats de novembre 2015 et cinq mois avant celui de Nice. Elle a aussi eu à gérer d’autres attaques terroristes comme la décapitation d’un prêtre à Saint Etienne du Rouvray ou l’assassinat d’un couple de policiers dans les Yvelines. Depuis, dans son bureau parisien, elle reçoit les familles de ce victimes ci-nombreuses, le plus souvent réunies en associations.
« Je crois qu’on peut avoir une approche internationale à la question du terrorisme, explique la Secrétaire d’Etat à ses interlocutrices. Je pense qu’on peut apprendre de ce qui s’est fait avant et ailleurs, qu’on doit donner des pouvoirs à la société civile, permettre aux survivants de parler des morts aux écoliers ».
Face à elles, les femmes acquiescent et expliquent ce qui s’est passé pour elles le 11-Septembre. « Personne n’était préparé à une catastrophe de cette ampleur, raconte Mary Fletcher, fondatrice de Voices of September 11th et qui a perdu un fils dans l’attentat. Pendant les premiers jours, on a d’abord eu besoin de se retrouver en famille pour réaliser… Puis, très vite, les autorités ont pris les choses en main avec la création d’un centre d’accueil et d’assistance, des aides psychologiques, des gardes d’enfants, des médecins qui sont venus prélever de l’ADN au cas où une identification serait possible ». Le dernier stade a été la création d’associations : « Seules les autres familles pouvaient nous comprendre, se souvient Eve Bucca, dont le mari pompier est mort ce matin de septembre. On partageait les informations, les contacts, on se retrouvait pour parler des disparus. Entre nous on pouvait parler de choses que personne d’autre ne pouvait comprendre ».
Des initiatives assez comparables à ce qui s’est passé en France après les attentats de janvier (Charlie Hebdo et Hypercacher), ceux du 13 novembre et le 14 juillet meurtrier à Nice, témoigne Juliette Méadel. « La politique que je mène au gouvernement ne peut pas se faire sans les associations. Ce sont mes partenaires principaux. Je co-construis la politique d’aide aux victimes avec elles », insiste la secrétaire d’Etat.
Avant de rencontrer ces mamans et ces veuves, Juliette Méadel a passé deux heures sur le site du Mémorial du 11- Septembre. « J’ai été frappée par la beauté des lieux, par l’émotion qui s’en dégage grâce aux voix des victimes qu’on entend, aux histoires de chacun, aux objets ». Un mémorial qui doit inspirer la France selon la secrétaire d’Etat, qui réfléchit avec les associations à la façon d’honorer les victimes du terrorisme en France. « Chez nous, il y a plusieurs villes touchées à des périodes différentes, donc il faut trouver un endroit qui rassemble tout le monde. Je crois qu’il faut de toute façon associer les familles et les survivants et prendre le temps de la réflexion ». Dening Lohez, veuve d’une des victimes françaises du 11-Septembre propose quelques idées à Juliette Méadel qui prend des notes en la remerciant.
Ces femmes qui ont perdu un enfant, un mari adressent leurs condoléances aux Français. « Ça me révolte quand j’entends qu’une attaque terroriste a eu lieu, en Turquie, en France, en Belgique… je ne m’en remets pas de ce qui s’est passé à Paris et Nice », s’emporte Carol Ashley, les larmes aux yeux. « Je sais par quoi les familles passent, on s’identifie à elles et on aimerait leur parler, résume Mary Fletcher. J’aimerais leur dire que ça va prendre du temps mais que la vie doit continuer. Que les disparus sont plus que jamais avec nous à chaque seconde de notre existence ».