Après Le goût des autres et Comme une image, Agnès Jaoui semble définitivement partie en guerre contre les préjugés avec Parlez-moi de la pluie, son dernier long métrage coécrit avec Jean-Pierre Bacri. « C’est vrai, confirme-t-elle. J’aime décortiquer les gens, la difficulté de changer et d’échapper au déterminisme. Tous mes films pourraient s’appeler Orgueils et Préjugés. » Dans ce film, la réalisatrice engagée parle notamment des clichés qui entourent les femmes politiques: « Je n’ai souffert d’aucun préjugés mais j’ai été choquée par le machisme et la manière dont les femmes sont traitées avec condescendance les fois où je suis intervenue à Bruxelles. Tous les personnages que j’interprète dans mes films me ressemblent beaucoup ». Cette fois elle se glisse donc dans la peau d’Agathe Villanova, féministe nouvellement engagée en politique, a qui l’on propose de tourner un documentaire dans le cadre d’une série sur « les femmes qui ont réussi ».
Pour réaliser ce documentaire, Agnès Jaoui a choisi de mettre en scène un duo inédit au cinéma, Jean-Pierre Bacri et Jamel Debouzze, qui rêvaient de tourner ensemble depuis des années sans trouver le bon projet. «Leur alchimie est très puissante, commente Agnès Jaoui. Je les observais tous les deux et je me disais qu’ils étaient trop mignons, il fallait absolument les filmer.» Jean-Pierre Bacri interprète Michel Ronsard, documentariste paumé et divorcé ayant les plus grandes difficultés à communiquer avec son fils et Jamel Debouzze est Karim, élève de Ronsard, essayant d’échapper à « l’humiliation ordinaire » d’un fils d’immigrés. Pour une fois, Bacri n’est pas dans son rôle de grincheux habituel, et Debouzze dans celui du rigolo de service au contraire, il a « un rôle d’adulte qui lui ressemble beaucoup » selon Agnès Jaoui.
Parlez-moi de la pluie est le troisième film d’Agnès Jaoui en tant que réalisatrice. Elle a d’ailleurs écrit chacun des scénarios des films qu’elle a réalisés. « Je n’aurais pas envie de mettre en scène le scénario d’un autre. Il manquerait quelque chose. Je préfère l’écriture. Et je ne pense pas non plus que je pourrais laisser mon scénario à quelqu’un d’autre aujourd’hui. »
A l’occasion de sa venue à New York au début du mois de juin, le Lincoln Center avait organisé une rétrospective des films les plus marquants de sa carrière. L’occasion pour elle de nous parler de sa rencontre avec le public étranger : « J’ai accompagné ce film dans beaucoup d’endroits et je suis surprise de l’accueil qu’on lui réserve. C’est un film pourtant très français et très bavard. Le fait que l’on rencontre un public en dehors de France me flatte profondément. Je suis allée présenter « un air de famille » au Mexique il y a quelques années, devant 2000 personnes. C’était à la fois effrayant et gratifiant. Les gens arrivaient très décontractés, comme ici à New York. A l’étranger, les gens sont un peu plus honnêtes, ils adhèrent ou ils s’en foutent. Surement parce qu’ils ont moins de préjugés sur mon travail. »
Parlez-moi de la pluie sort à New York le 18 juin au Lincoln Plaza Cinema, 1886 Broadway et au Angelika Film Center, 18 West Houston Street.