C’est un projet écologique visionnaire de 30 mètres de long qui vient de larguer les amarres à Battery Park, face à Ground Zero. Il s’agit d’Energy Observer, le premier navire laboratoire autosuffisant qui navigue sur les océans depuis 2017, en exploitant un mélange d’hydrogène généré à bord par électrolyse de l’eau de mer, et d’énergies renouvelables. Il sera à quai jusqu’au mercredi 24 avril à New York, avant de clôturer son périple et de rentrer en France.
Energy Observer est né dans la tête d’un marin et skipper passionné, Victorien Erussard, qui a passé dix ans à écumer les courses comme la Route du Rhum, la transat Jacques Vabre ou la Québec-St Malo. Après avoir observé les ravages de la pollution en mer, il décide de monter une équipe de skippers, marins, ingénieurs et reporters, afin de créer le premier navire autonome. « Je voulais être capable de puiser son énergie dans la nature tout en la préservant », explique l’entrepreneur. Il récupère un catamaran de course réputé, qui a déjà sillonné les océans, et l’équipe passe deux ans à le transformer en laboratoire de la transition écologique, qui utilise l’hydrogène, couplé à l’énergie solaire, l’éolien et l’hydrolien pour être auto-suffisant.
Un navire qui a recours à l’hydrogène comme source d’énergie, c’est une première mondiale. Le groupe collabore avec le CEA-Liten, filiale de transition énergétique du Commissariat à l’Énergie Atomique, pour concevoir et installer à bord une chaîne complète, de l’électrolyse de l’eau de mer jusqu’à la pile à combustible. Et cette pile n’est autre que celle utilisée par la Toyota Mirai, la voiture à hydrogène du groupe japonais, adaptée aux contraintes d’un bateau.
Outre l’hydrogène, le bateau est équipé de pas moins de 202 mètres carrés de panneaux solaires sur toute sa surface, de trois générations différentes. Les deux voiles de 15 mètres de haut peuvent pivoter à 360 degrés, pour une prise optimale au vent. Enfin, des hélices situées sous le bateau permettent de générer de l’énergie hydrolienne.
Pour aider au financement de cette initiative ambitieuse, les sponsors corporates français ont répondu présents : Accor Hôtels, Thélem Assurances, Air Liquide et BPCE sont les principaux partenaires d’Energy Observer, suivis par Delanchy, Toyota, Triangleinterim, Qair et Guyot Environnement.
L’aventure d’Energy Observer, qui touche à sa fin, aura duré sept ans, soit 64 000 miles (plus de 100 000 km) parcourus, 88 escales dans 45 pays et 17 événements organisés, mais aussi nombre d’articles, vidéos Youtube et documentaires produits. Le navire a commencé son périple en 2017 en France, avant de poursuivre en Méditerranée en Grèce et en Italie (2018), de remonter vers la Russie et Spitsbergen aux portes du Pôle Nord et Londres (2019), la Guyane en 2020, les Galapagos, San Francisco et Los Angeles en 2021, la Polynésie, Singapour et la Nouvelle-Zélande en 2022, l’Afrique du Sud en 2023, et une deuxième transat pour rejoindre le Brésil. Et enfin la Floride, Washington, New York aujourd’hui et Boston, avant de revenir à bon port à Saint-Malo, pour une arrivée prévue le vendredi 14 juin. Sept années qui auront servi à tester et évaluer des initiatives technologiques, communiquer avec des partenaires et les pouvoirs publics locaux à chaque étape, mais aussi optimiser l’utilisation de l’hydrogène sur le long terme dans le milieu hostile qu’est l’océan.
Forte de ce succès, l’équipe ne compte pas s’arrêter là et a déjà un projet d’une toute autre ampleur dans les cartons : Energy Observer 2, un porte-containeurs à basse émission, qui intègre aussi ses propres capacités en hydrogène. Le défi industriel et sociétal est immense : chaque année, ce sont 10 000 navires marchands qui transportent 10,7 milliards de tonnes de marchandises sur les océans. Le projet en est encore aux prémices mais une chose est sure, les équipes sont aussi motivées pour en faire leur prochain laboratoire de transition énergétique.