Responsable de l’accueil des réfugiés à Austin pour Refugee services of Texas, Kay Mailander vient de passer un appel à bénévoles francophones pour une famille arrivée de République Démocratique du Congo entre Noël et le Jour de l’An. « C’est une grande famille qui parle kinyarwanda, kiswahili, mais aussi français et pour l’instant ils n’ont pas de voiture. Or, il y a une fille dans la famille qui est sourde et elle a beaucoup de rendez-vous au médecin. Les bénévoles francophones pourraient aider avec les transports et, avec moi, à organiser les rendez-vous aux hôpitaux et avec les médecins. »
Même son de cloche à Caritas of Austin. Il y a quelques semaines, le responsable du programme de relocalisation de réfugiés de cette association de lutte contre la pauvreté membre de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis, Mamadou Balde, a eu la confirmation que « le nombre de réfugiés de République Démocratique du Congo va augmenter l’année prochaine et le Texas sera l’Etat qui en accueillera le plus grand nombre. »
Au-delà de l’obstacle de la langue
« Ce seront essentiellement des parents accompagnés de leurs enfants mineurs », précise ce Guinéen d’origine. Et même si ces populations ne sont pas en majorité francophones, Mamadou Balde sait que « ce qui manque le plus aux réfugiés d’Afrique qui arrivent dans ce pays, ce sont leurs proches et, de façon générale, les relations sociales que l’on peut nouer dans des sociétés ouvertes où l’on est pas pressé par le temps comme aux Etats-Unis. »
« On n’entre pas en relation avec les autres aux Etats-Unis comme dans des sociétés francophones », confirme Kay Mailander. Au-delà de l’inscription à la Sécurité sociale américaine, de l’apprentissage de la langue anglaise, de la recherche d’emploi, etc., « nos bénéficiaires ont besoin de moments d’échanges au cours desquels ils peuvent aborder des sujets de fond. »
Pour ce faire, « nous avons demandé les financements nécessaires à la remise en place de groupes de parole qui se tiendront notamment en français, mais nous accueillons aussi tous les bénévoles qui se présentent », témoigne la responsable associative, qui ne leur demande néanmoins pas la même chose qu’à des intervenants professionnels.
« Il s’agit simplement de donner un coup de main quand c’est nécessaire pour le bon déroulement de la scolarité des enfants ou pour l’insertion professionnelle et de passer du temps à faire découvrir la vie aux Etats-Unis », explique la Franco-Britannique de Houston Natalie Jones, qui a accompagné une famille rwandaise, puis un Rwandais et un Burundais, il y a huit ans, et reste frappée par « la gentillesse de ces gens ayant vécu des tragédies ».
Les réfugiés, des gens résilients
« Jean-Claude par exemple avait une douzaine d’années quand on lui a annoncé sur le chemin de l’école qu’”il allait mourir aujourd’hui”. Il a dû partir en toute hâte et sans se retourner. Il m’a expliqué que c’était une fuite au cours de laquelle “tu ne t’arrêtes pas pour ramasser pas ta chaussure si tu la perds en courant” et qu’il avait ensuite marché pendant trois mois jusqu’en Gambie », raconte cette ancienne présidente de Houston Accueil.
Natalie Jones a pu interroger les réfugiés qu’elle a accueilli sur les raisons de leur exil, car « après des années passées en camps de réfugiés, on n’a qu’une envie, c’est de partir pour commencer une nouvelle vie, même si cela suppose de redémarrer tout en bas de l’échelle ». Pas de larmes à essuyer, plutôt « le soulagement de parler français à quelqu’un vivant ici et comprenant ce qu’il se passe ». Même jeunes, « les réfugiés ne cherchent pas une famille d’adoption, mais apprécient de passer des moments normaux en famille avec des personnes qui ne sont pas elles-mêmes réfugiées ».
Quelque chose de tout simple pour les francophones expatriés accompagnant déjà leurs concitoyens nouvellement arrivés dans le cadre des accueils francophones. Mais d’inestimable pour les associations. «Pour survivre dans leur pays d’adoption, il est très important que les réfugiés bénéficient des bonnes informations au bon moment », souligne Mamadou Balde. Mais « les travailleurs sociaux qui les suivent ont trop de dossiers pour passer autant de temps qu’ils ne le souhaiteraient avec chaque famille. »
Le faire bénévolement, c’est de toute façon « dix fois plus gratifiant » pour Natalie Jones.