C’est un chèque du banquier Michel David-Weill (alors président de Lazard), qui a lancé l’aventure américaine d’Action contre la faim, créée quelques années plus tôt en France par un éclectique groupe de journalistes et d’écrivains (Françoise Giroux, Jacques Attali, Bernard Henry-Lévy, Emmanuel Leroy-Ladurie…). “David-Weill voulait nous faire ce chèque, se souvient Guy Sorman, un des co-fondateurs, qui présida également l’organisation pendant plus de dix ans. Mais à l’époque, celle du contrôle des changes, c’était compliqué de transférer des fonds entre les Etats-Unis et la France. Nous avons donc décidé de créer une filiale américaine”.
Pendant de nombreuses années, Action against hunger USA a continué de s’appuyer sur la communauté franco-américaine de New York. Mais, malgré une réputation flatteuse (assise notamment sur le fait que 89% des fonds récoltés sont reversés sur le terrain), “nous nous sommes aperçus que nous étions inconnus aux Etats-Unis” explique Karen Dumonet, chargée des relations avec les donateurs. L’organisation a alors recruté une Américaine, vétéran de l’aciton humanitaire aux Etats-Unis, comme directrice. Objectif: faire connaître Action against Hunger et améliorer les performances du fund raising. Pilier de l’édifice: le gala annuel, incontournable pour toute non-profit américaine. Celui de l’an dernier a rapporté 1,25 million de dollars, alors qu’en France “ce genre de gala ne marche pas du tout”, dit Karen Dumonet. C’est d’ailleurs à New York, et pas à Paris, que se tiendra le gala célébrant les 30 ans d’Action contre la faim, le 18 novembre.
C’est aussi pour se faire connaître, notamment aux Etats-Unis, que l’organisation a lancé une campagne marketing très étonnante. Il s’agit de tenter d’obtenir d’Al Gore qu’il fasse un film appelé No Hunger et réalise ainsi pour la faim dans le monde ce qu’il a fait avec son documentaire An inconvenient truth pour le réchauffement climatique. La campagne, intitulée Ask Al Gore, sera officiellement lancée aux Etats-Unis le 17 octobre, journée mondiale de lutte contre la faim. ACF a lancé une pétition en espérant réunir suffisamment de signatures pour convaincre Al Gore de réaliser ce film. L’idée étant que même s’il refuse, il aura toujours servi, involontairement, la cause en lui assurant une publicité certaine.
Aux dernières nouvelles, la campagne soulève un enthousiasme modéré du côté d’Al Gore. Son entourage fait savoir qu’il apprécie la démarche mais qu’il est très occupé. Il a d’ailleurs décliné l’invitation à être l’invité d’honneur du gala du 18 novembre. Du coup, c’est Guy Sorman qui s’y colle, en tant que fondateur. Un grand écart politique et idéologique entre l’écrivain, grand défenseur du “libre-échange” et le héros des thèses écologistes. Guy Sorman, qui n’est plus que président d’honneur de l’organisation et ne joue plus de rôle dans sa gestion, n’est pour rien dans
l’idée de “prendre en otage” -pour la bonne cause- le nom d’Al Gore. Il professe même un scepticisme certain face à la théorie du réchauffement climatique. Mais, dit-il, l’essentiel est ailleurs: “le plus important chez Al Gore, c’est la conviction qu’il faut créer une conscience mondiale. Au-delà de telle ou telle cause singulière, c’est une philosophie mondialiste qu’on retrouve. Et d’espérer que la lutte contre la faim dans le monde puisse, indirectement, bénéficier de l’intense attention médiatique dévolue au réchauffement climatique.
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