L’annonce est venue de la Maison Blanche mercredi, sous la forme d’un sommet virtuel: Etats-Unis, Royaume-Uni et Australie formaient une alliance pour la sécurité dans le Pacifique. A la clef, la fourniture à l’Australie par les Etats-Unis de 8 sous-marins à propulsion nucléaire.
Mais à Paris, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe diplomatique.
Exclue des discussions alors qu’elle entend jouer un rôle dans la région, la France se retrouve surtout privée d’un juteux contrat avec l’Australie. Les deux pays devaient en effet collaborer pour la construction de sous-marins conventionnels, à hauteur de 56 milliards de dollars. Le contrat est purement et simplement annulé par Canberra au profit de ce nouvel accord avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni.
Furieux, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian s’est emporté sur France Info: « Une décision unilatérale, brutale, imprévisible qui ressemble beaucoup à ce que faisait monsieur Trump ». En tant que ministre de la Défense de François Hollande, il avait oeuvré à ce « contrat du siècle », avant de le finaliser comme ministre des Affaires étrangères en 2019. Les pénalités de centaines de millions de dollars pour la rupture du contrat, dues par le gouvernement australien, n’effaceront pas le camouflet sévère reçu par la France.
Gala annulé
Depuis l’annonce de la nouvelle, la diplomatie française a retrouvé des mots à l’égard de l’administration américaine qu’on n’avait plus entendus depuis 2003 et la rupture sur fond de guerre en Irak. Jeudi, l’ambassade de France à Washington a annoncé l’annulation d’un gala prévu vendredi à l’occasion du 240ème anniversaire de la Bataille de la baie de Chesepeake (connue sous le nome de Battle of the Capes en anglais) et de la victoire de la marine française, engagée pour l’indépendance américaine, contre une flotte britannique, en 1781.
Une source diplomatique à Paris confie que « cela n’aurait pas eu de sens de fêter l’amitié franco-américaine en grandes pompes après un coup pareil ». Néanmoins, certaines célébrations sont maintenues. Le sous-marin nucléaire français dont la visite était prévue a bien accosté à Norfolk (Virginie) comme prévu et la frégate française qui doit arriver à Baltimore le lundi 20 septembre sera bien là.
Manoeuvres
Plus encore que le fond de l’accord et l’exclusion de la France, c’est la manière qui a semble-t-il choqué les dirigeants français, qui reprochent aux Américains d’avoir sciemment caché à leurs « alliés » français la nature des discussions en cours avec les Australiens. Un coup d’autant plus rude que la France pensait avoir un allié solide en l’administration Biden et notamment en la personne du Secrétaire d’Etat Antony Blinken, réputé très francophile. Une source diplomatique française confie notamment que plusieurs tentatives de parler à Antony Blinken et Jake Sullivan, le National Security Adviser de Joe Biden, avaient été ignorées, alors que les Français suspectaient qu’un « mauvais coup » se préparait. Ce n’est que mercredi, alors que l’information avait déjà filtré dans la presse australienne, que les entretiens ont eu lieu, à la demande des Français.
Les Français sont donc fâchés. Et en se lançant dans une comparaison entre Joe Biden et Donald Trump, Jean-Yves Le Drian a sans doute trouvé une bonne façon de s’assurer que Washington l’entendrait.