Abd Al Malik est bien loin de la France et de ses polémiques, en ce vendredi après-midi. On retrouve le rappeur-slameur-écrivain-réalisateur sur les marches de l’université Fordham (Manhattan), où il vient parler de son film, “Qu’Allah bénisse la France”, qui retrace son enfance en banlieue entre études brillantes le jour et délinquance le soir, rap et islam. “Je viens dire aux Etats-Unis, voilà la situation de votre amie la France. En tant qu’amie, on a besoin de votre aide” .
On ne peut s’empêcher de penser qu’Abd Al Malik serait plus heureux aux Etats-Unis qu’en France. Raillé dans l’Hexagone pour être “bien-pensant”, ce défenseur des différences et des communautés a déclenché une tempête médiatique en déclarant récemment dans Télérama que Charlie Hebdo n’aurait pas dû multiplier les caricatures du Prophète en raison du contexte de “pression extrême sur les musulmans” . Cette sortie n’aurait choqué personne aux Etats-Unis. Certains grands medias ont d’ailleurs appliqué à la lettre cette philosophie, quand ils ont décidé de ne republier la “Une” du “numéro des survivants” de Charlie Hebdo.
Il plaide aussi pour l’enseignement du “fait religieux” à l’école et décrit comme “merveilleux” le fait que Bill de Blasio ait décidé que deux fêtes musulmanes seraient jours fériés dans les écoles publiques new-yorkaises. “Je suis admiratif de la mentalité d’une ville comme New York. Evidemment, c’est une histoire différente de l’histoire française. Mais il y a un dynamisme ici, une volonté de relever ce qui est pour moi le défi du XXIème siècle: le vivre-ensemble. Il ne s’agit pas de reproduire ce système en France, mais les Américains sont venus il y a quelques siècles en France pour s’inspirer des idéaux démocratiques, l’inverse doit se produire aujourd’hui” .
L’artiste l’admet lui-même: il connait peu les Etats-Unis, qu’il a visités pour le travail uniquement. Il les considère cependant comme “une grande civilisation, dont la France doit s’inspirer. Comme Alexis de Tocqueville nous a encouragés à le faire” . Les Américains, eux, le découvrent. Il a fait l’objet d’un portrait en 2012 dans le New York Times. Le quotidien était intrigué par l’ascension de ce rappeur d’origine congolaise, musulman mais élevé dans une famille catho, admirateur de Camus, qui “pousse pour créer une nouvelle identité française” . “Je suis au carrefour de plusieurs identités, la banlieue, l’école, le savoir, la religion…, aime répéter Abd Al Malik. Je peux mettre des mots sur les maux. ”
Le 11-Septembre, origine des “confusions entre islamisme et islam” , a donné une autre dimension à son message. En 2006, il sort “12 septembre 2001” , dans son album “Gibraltar”, dans lequel il raconte la difficulté d’être musulman après les attentats. Une chanson qu’il aurait très bien pu écrire en 2015? “Oui, sauf que, corrige-t-il, j’ai le sentiment que les choses se sont dégradées. Une partie de la communauté nationale est rejetée en France de manière systémique, dit-il. On vit une époque dangereuse. Si on ne fait pas attention, on peut être au bord de quelque chose qui pourrait donner une guerre civile.”
Film à New York
Alors, pour répondre à cette France qui “a peur” , il écrit. Des chansons, mais aussi des livres. Son petit dernier, Place de la République, publié chez l’éditeur d’ Indignez-vous! de Stéphane Hessel, accuse la république de ne pas traiter tous les Français de manière égale. D’interview en interview, il critique une classe politique et médiatique “irresponsable et incompétente” , “pas à la hauteur de l’Histoire et du patrimoine de la France” , qui nourrit le Front national. Il dénonce une “crise des valeurs” . Et plaide pour promouvoir l’éducation comme rempart à la division. “Je n’ai aucune volonté politique, je suis là pour faire du lien, pour témoigner” .
Abd Al Malik utilise maintenant l’image pour faire passer son message. Son premier film, “Qu’Allah bénisse la France”, est basé sur son autobiographie du même nom sortie en 2004. Dans ce film en noir et blanc, similaire à “La Haine”, il décrit son enfance dans la cité strasbourgeoise Neuhof, entouré d’une fresque de figures attachantes comme son frère, sa mère, sa future femme et une enseignante qui l’encourage à aller de l’avant. “Les réalisateurs sont les romanciers du XXIème siècle” , dit-il, pour expliquer son choix de se lancer dans le 7eme Art.
Peu après son interview à French Morning, Abd Al Malik s’est retrouvé devant des étudiants de Fordham, les élèves du French Heritage Language Program et quelques curieux, venus l’écouter parler de son engagement lors d’une masterclass. “Etre humaniste, c’est pas un trip. C’est vital” , leur a-t-il dit, en les exhortant à “changer le monde” . “Vous le devez! ”
Il repartira en France après la présentation, dimanche 8 mars, de son film au festival Rendez vous with French Cinema d’uniFrance, mais reviendra le 30 pour une discussion a Albertine et pour participer au festival Focus on French Cinema à Greenwich. Il retrouvera New York cet été pour tourner son deuxième film, qui est actuellement en cours d’écriture. “Ça sera un grand roman social mis en image” entre la France et New York, souffle-t-il, sans en dire plus. “Moi j’aime la France, j’aime mon pays. Mais j’aime un pays idéal, qui n’existe pas encore” .
0 Responses
J’aime beaucoup Abd Al Malik mais effectivement, il ne connaît rien des Etats-Unis. S’il connaissait la situation de la population Black, il ne tiendrait franchement pas le même discours.
“chez lui”! hum…çà m’étonnerait…
“Chez lui ?” Lol ! amusant ! Avec un tel titre, l’auteur de larticle enleve une partie du cote “Plausible” du personnage decrit. Bon,.. dommage ! Tentons d’imaginer un autre titre…
Et, effectivement, s’il connaissait son sujet, concernant cette region du monde, il eviterait d’y faire reference de la facon dont il le fait. Meme s’il a du talent, la, il se trompe !
L’université Fordham, c’est dans le Bronx et non Manhattan.
Bonjour, l’universite Fordham a un campus a Manhattan et dans le Bronx. La rencontre avait bien lieu a Manhattan. La redaction.