L’an dernier, le Domaine Lucien Tramier commençait la commercialisation de son vin aux Etats-Unis. Trois mois plus tard, à la mi-octobre, le gouvernement Trump lui a offert une bien mauvaise surprise: l’instauration d’une taxe de 25% sur certains alcools français en représailles des aides européennes accordées à l’avionneur Airbus et jugées indues par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
La sanction, qui porte sur les vins “tranquilles” exportés aux Etats-Unis dans un contenant inférieur à deux litres et affichant un degré d’alcool inférieur ou égal à 14 %, vient d’être reconduite pour six mois par Washington.
“C’était un mauvais coup. On préparait cette commercialisation depuis un an !“, explique Marty Echerei, représentant de la marque à Vinexpo New York. Mais comme d’autres producteurs présents à ce grand salon du vin organisé les 2 et 3 mars, il a décidé de se retrousser les manches. “On a préféré redoubler d’efforts. On veut être plus actifs pour faire partie des domaines qui vont rester, poursuit-il. Les Etats-Unis sont un très gros marché. Certains disent que c’est l’eldorado des producteurs. On sait que ces taxes sont passagères. Si on met du temps et de l’argent aujourd’hui, cela sera bénéfique sur le long terme“.
Quarante producteurs ont fait le déplacement à Vinexpo cette année dans le cadre du premier pavillon français du salon, organisé par l’agence Business France avec quatre partenaires régionaux (Nouvelle-Aquitaine, Centre Val-de-Loire, Champagne de Vignerons, Vallée du Rhône). Ce pavillon a été imaginé bien avant que n’éclate la guerre des tariffs, mais dans le contexte actuel, il revêt un sens particulier. “On peut l’interpréter comme une belle mobilisation de la part des producteurs“, explique Manilay Saito, manager de la division “vins, bières et spiritueux” pour l’Amérique du Nord chez Business France. “Taxes ou pas, il est recommandé de faire ses armes sur d’autres marchés. Quand on n’a pas d’éléments pour se différencier de la concurrence, c’est très difficile de percer. Avec ces taxes, il faut considérer que le marché américain est encore plus concurrentiel. Cela va resserrer les acteurs“.
Mise en garde
Malgré “l’inquiétude” des petits producteurs et importateurs “qui ont moins les moyens de rebondir” et les yeux des acteurs du marché viticole tournés à présent vers le Canada, elle ne veut pas “décourager” ceux qui veulent tenter l’aventure américaine. Business France organise d’ailleurs un “road show” à Washington, Miami et San Diego avec plusieurs producteurs français à partir de la fin avril pour découvrir le marché américain. “On veut continuer à travailler pour ne pas aller dans le sens de l’administration américaine, qui veut faire du mal au secteur, dit Manilay Saito. Quand on nous approche, on met en garde nos interlocuteurs. Ils savent que c’est un défi, mais le jeu en vaut la chandelle”.
Un constat partagé par les Français de Vinexpo. “On était déjà inscrit au salon avant cette histoire de Trump, mais ce n’était pas une raison pour ne pas être visible à l’international” raconte Emeline de Lafontan de Goth, responsable export de Chateau Calissanne. Même si la marque regarde aussi du côté de l’Asie, elle profitera de son passage aux Etats-Unis pour se rendre au Texas pour promouvoir ses vins. “Ce n’est pas parce qu’il y a des droits de douane supplémentaires qu’on va se désengager, lance aussi Joan Poillet, directeur commercial du Domaine de Fontenille. C’est un très gros marché, une économie qui tourne très bien. La production de rosé augmente de manière exponentielle et nous produisons 50% de rosé“.
“Soutenir les producteurs”
Comme d’autres producteurs, le Domaine Gabriel Meffre, qui vient de lancer ses vins Fat Bastard sur le marché américain après vingt ans de présence aux Etats-Unis, a travaillé avec ses importateurs pour contenir la hausse des prix. Mais les droits de douane ayant été reconduits, il “va être difficile” de continuer à serrer les marges. “Dans le monde du vin, on ne fait pas des marges très importantes, de l’ordre de 20 à 40%. Vous imaginez ce que peuvent représenter des droits de douane à 25%, soupire-t-il. Mais on veut rester sur les Etats-Unis“.
L’ambassadeur de France aux Etats-Unis Philippe Etienne a fait le tour des stands, lundi, pour afficher son soutien aux producteurs avant- de participer à une réception au consulat de France le soir même pour “célébrer les vins et spiritueux français“. En février, le gouvernement a indiqué que les exportations de vin vers les Etats-Unis avaient chuté de 44% en novembre à la suite des nouveaux droits de douane. “Je ne vais pas être optimiste ou pessimiste” sur l’issue des négociations en cours entre l’Union Européenne et les Etats-Unis pour régler la situation, indique l’ambassadeur. “On y travaille et on fait ce qu’on peut. L’important, c’est de travailler à régler ce contentieux et de soutenir nos producteurs“.