Sur les élégantes nappes carmin, on trouve des bouteilles de cidre et des bougeoirs en Tour Eiffel. Au fond de la grande salle, des produits bien de chez nous (sirops Teisseire, crêpes dentelles Gavotte…) trônent sur les étagères d’une « épicerie française » improvisée. Derniers vestiges d’un univers que Laurent Chavenet a quitté il y a 15 ans.
Aujourd’hui, le cuisiner opère French Tart, l’une des seules pâtisseries françaises de Staten Island, cette île au sud de Manhattan où l’on se rend uniquement parce que le ferry gratuit qui nous y transporte passe devant la Statue de la Liberté. Sur la seule voie de métro qui traverse Staten Island, juste en face de la station Grand City, se dresse la devanture de French Tart, coincée entre un coiffeur et une petite maison.
“Je suis arrivé à Staten Island en 2000 parce que mon ex-femme était d’ici, explique-t-il. Avant j’ai été cuisinier dans des hôtels parisiens puis en arrivant à New York, j’ai été chef au restaurant Montrachet à Manhattan et au Bec Fin à Philadelphie. En novembre 2001, j’ai ouvert French Tart, ça a tellement bien marché que j’en avais quatre en mars 2004 ».
Pourquoi n’y en a-t-il plus qu’une aujourd’hui ? « Parce que depuis il y a aussi eu un divorce » dit-il.
“Staten Island, c’est New York sans être New York”
French Tart est loin géographiquement de l’élite new-yorkaise. Loin de ses prix aussi. Ici, la tartelette est à 3$. « Je sais qu’ici je vends mes produits à un prix dérisoire par rapport à ce que je pourrais en tirer à Manhattan. Mais Staten Island, c’est New York sans être New York. Je suis le seul ici, j’ai une clientèle fidèle à laquelle je tiens et que je veux garder. »
Pour fidéliser sa clientèle, Laurent Chavenet joue sur deux tableaux : la qualité de ses pâtisseries et des produits importés que l’on trouve sur les étagères de son commerce. Les jours de chance, ils sont en discount. Crêpes, galettes de sarrasin, escargots, filets mignons, oeufs pochés: on trouve des plats bien de chez nous à French Tart. La spécialité du chef : côtelettes d’agneau caramélisées au miel avec pêches fraîches et patates douces.
Certains soirs de juin, la chanteuse Sylvie Boisel accompagne les dîners de ses interprétations d’Edith Piaf ou de Françoise Hardy.
Quand on le lance sur ses anecdotes de cuisinier, Laurent Chavenet s’anime. Il en partage trois: Le jour où Michel Oliver, celui qui à travers ses émissions de télé lui avait transmis sa vocation, est entré dans sa pâtisserie; la fois où, à Hawaï, il a sauvé la pâte à bugnes de Jean-Louis Palladin, un chef français connu expatrié aux États-Unis – pour le remercier, celui-ci l’a emmené boire une bière en admirant le coucher de soleil…
Meilleur croissant de New York selon le Daily News
Et puis il y a cette troisième fois, mémorable, quand le New York Daily New l’a élu meilleur croissant de New York en 2013. «Aujourd’hui, c’est ma plus grosse vente ».
Loin du tumulte de Manhattan, Laurent Chavenet est bien. Mais il reconnaît que l’agitation de ses précédentes vies lui manque un peu. Rouvrir des points de vente, il y pense. C’est sûr, un au moins « un jour ou l’autre à Manhattan ».