Derrière les vitres du 3131 Fillmore Street, de longs rideaux gris occultent l’agitation ambiante. À l’intérieur de Bar Crenn, qui ouvrira ses portes le 13 mars, l’heure est au peaufinage, sous le regard affûté de la cheffe française Dominique Crenn. Des fauteuils capitonnés de velours rouge, un guéridon recouvert d’un plateau en marbre, une bibliothèque de livres anciens… On a l’impression d’entrer dans un salon parisien des années 30 où Fred Astaire et Ginger Rogers pourraient débarquer à tout instant.
« Ce visage de femme représente parfaitement les années folles. Je voulais recréer cette ambiance du Paris de l’époque », commente Dominique Crenn en pointant du doigt l’immense peinture murale qu’un artiste est en train d’apostiller de nombres chinois. « Ce sont les dates de naissance de mes parents, 1922 et 1933, et comme le bar ouvre à l’époque du Nouvel An chinois… », poursuit la Bretonne.
Sur l’ardoise, il n’y aura que « de supers bons vins et des cocktails à faible teneur en alcool », dévoile cheffe Dominique qui a également concocté une carte rendant « hommage aux grands classiques de la gastronomie française ». « Le brochet en quenelles, sauce nantua de monsieur Ducasse, la soupe de truffes de monsieur Bocuse… ». Sans oublier les desserts : « des îles flottantes et des cannelés de Bordeaux ».
Bar Crenn est la porte à côté d’Atelier Crenn, le restaurant aux deux étoiles Michelin où Dominique Crenn orchestre ses mets raffinés et poétiques depuis 2011. « Bar Crenn, c’est le salon où on boit un verre, Atelier Crenn, c’est la salle-à-manger. Vous êtes à Maison Crenn ici ! », s’exclame l’anticonformiste pour qui le plus important en cuisine « ce n’est pas la technique, mais les produits de la terre et de la mer ».
« C’est une question de talent, pas de genre »
Première femme à décrocher deux étoiles au guide Michelin aux États-Unis, Meilleure cheffe au monde par le World’s 50… Voilà de prestigieuses distinctions qui hérissent un peu ses idéaux féministes. « Ca m’a un peu énervé d’être regardée en tant que femme car c’est une question de talent, pas de genre, lance-t-elle. J’essaye de voir ça comme une plateforme pour la future génération. Il faut vraiment que dans quelques années les choses changent. »
« Transmettre et donner sa chance aux jeunes »: ce sont les maîtres mots de la cheffe-artiste à qui un certain Jeremiah Tower, célèbre chef de la côte Ouest, a tendu la main, il y a près de trente ans et l’a formée. « À l’époque, j’étais autodidacte en cuisine. Jeremiah était le seul qui m’intéressait car il travaillait avec les producteurs et changeait les menus tous les jours. Je suis allée le voir, il m’a demandé qui j’étais», se remémore l’ambitieuse cinquantenaire.
Elle a plusieurs projets dans les cartons, comme l’ouverture de Boutique Crenn en hiver, située dans le hall d’entrée et au premier étage de la Salesforce Tower, avec une pâtisserie boulangerie, un restaurant et un bar lounge. Boutique Crenn accueillera aussi des événements dédiés à l’art et la mode. « Pourquoi ne pas faire venir la Fashion Week à San Francisco ? ». Son auto-biographie sortira aussi à la fin de l’année. « Je vais l’appeler “Crennologie, ma raison d’être” ».