C’est un endroit au faux air de cabinet de curiosités avec ses nombreux tableaux accrochés au mur et sa vitrine remplie d’objets farfelus. Le plus original n’est pourtant pas la décoration de ce petit bar d’East Village mais sa carte de boissons : « Pina Colada with Clean’s Spice Rum », « Earthbond with Curious Elixir ». Ouvert en septembre 2022, Hekate est l’un des premiers bars intégralement sans alcool à New York. Il reprend les codes des bars traditionnels avec une carte proposant des bières, des cocktails, et des bouteilles de (faux) whisky, rhum et vodka exposés derrière le comptoir. « J’ai arrêté de boire il y a près de 11 ans et ça a changé beaucoup de choses dans ma vie. Hekate est une alternative pour ceux et celles qui veulent boire un verre dans un endroit sûr, loin de tous les problèmes que peut causer l’alcool », explique la serveuse du lieu.
Changement de décor de l’autre côté du pont de Williamsburg au Kava Social, tout à la fois café/bar et espace de co-working. Ici on a poussé l’expérience plus loin en proposant des boissons originales à base de kava, une plante de la région pacifique aux effets anxiolytiques. L’endroit se présente comme une « expérience sociale différente, pour tous les aventuriers et les curieux qui veulent rester sobres ». Un succès chez les jeunes hipsters du quartier puisque le Kava Social fait toujours le plein.
« Sober bars », événements pop-up, soirées et boissons sans alcool… La sobriété a le vent en poupe ces dernières années à New York et plus largement aux États-Unis. La vente de boissons sans alcool a ainsi augmenté de plus 20% dans le pays entre août 2021 et 2022, pour s’établir à 395 millions de dollars (chiffres de l’institut Nielsen IQ). C’est particulièrement vrai chez les générations Y et Z qui consomment moins d’alcool et veulent prendre plus soin de leur corps.
« En tant qu’entrepreneur très occupé et papa, je peux vous dire que se réveiller sans gueule de bois après une soirée n’a pas de prix, explique Nick Bodkins, co-fondateur avec Barrie Arnold de Boisson, une start-up new-yorkaise en pleine croissance qui possède six magasins de boissons sans ou avec très peu d’alcool. « Parmi nos clients, on a beaucoup de gens qui consomment de l’alcool, mais veulent diminuer leur consommation pour se sentir mieux. »
Dans les rayons de l’établissement, on retrouve des bières, des alternatives au gin, au rhum mais aussi des bouteilles de vin rouge et rosé avec 0,5% d’alcool. « J’ai commencé à tester des boissons sans alcool lorsque ma femme était enceinte, poursuit l’entrepreneur. La pandémie a également été un déclencheur, une période pendant laquelle les gens ont beaucoup diminué leur consommation en restant chez eux ».
Après avoir conquis New York, Boisson s’est attaqué au marché californien à Los Angeles, bien aidé par la plus grosse levée de fonds du secteur, 12 millions de dollars en août 2022. « Les gens pensent que les boissons sans alcool sont forcément mauvaises au goût, ou ennuyeuses. On veut prouver l’inverse ! », résume Nick Bodkins. La start-up, estimée à 47 millions de dollars, vient également d’ouvrir un magasin à San Francisco.
Inspiré par le succès des « hard seltzers » aux États-Unis, ces eaux pétillantes alcoolisées et aromatisées, les boissons sans alcool devraient continuer à se vendre comme des petits pains à l’avenir. Le marché devrait connaître 25,4 % de croissance d’ici à 2026, et 5,9% sur les boissons à faible teneur en alcool selon l’IWSR Drinks Market Analysis. La tendance s’est même exportée à l’international puisque les ventes ont plus que triplé en quatre ans, atteignant les 11 milliards de dollars en 2022. De « Dry January » à « Sober October », la sobriété heureuse s’invite désormais toute l’année.