Vous avez toujours rêvé de pouvoir dîner à Carbone, Cote ou Raoul’s, mais vous n’avez jamais pu y réserver une table ? Certains restaurants new-yorkais sont très difficiles, voire quasiment impossible d’accès. Une demande très forte et des restrictions volontaires de la part de certaines adresses pour créer un effet de buzz ont rendu délicat l’obtention d’un siège ou deux dans ces adresses réputées et très fréquentées. Pour combler ce manque, des petits malins se sont engouffrés dans la brèche et ont créé des sites de revente de réservation. Ces sites s’appellent Appointment Trader ou Cita Marketplace.
Concrètement, des personnes possédant une réservation dans un restaurant peuvent la proposer à la revente. Un juteux business pour certains qui ont réussi à dégager de vrais revenus. Leur méthode : connaître toutes les astuces pour réserver les tables les plus difficiles de la ville. Carbone ouvre par exemple les réservations un mois à l’avance, tous les jours à 10am en priorité pour les détenteurs d’une carte American Express. Les plus rapides obtiennent une table, qu’ils peuvent ensuite proposer à la revente sur ces sites spécialisés. Ils peuvent demander, pour une seule réservation, jusqu’à plusieurs centaines de dollars pour les restaurants et les moments de la semaine les plus demandés. Certains clients sont prêts à payer la somme demandée, sans compter qu’ils devront aussi y ajouter la note du repas. Quand on aime, certains visiblement ne comptent pas !
Problème : ce système à la limite de la légalité a accouché de nombreux effets indésirables. Un député de l’État de New York, Alex Bores, a activement soutenu une loi proposée par la sénatrice Nathalia Fernandez, le Restaurant Reservation Anti-Piracy Act, visant à mettre fin au marché noir de la réservation. « Cette pratique pose de sérieux problèmes, confie-t-il. Pour les restaurateurs, cela augmente le nombre de no-shows (non-présentation le jour de la réservation) et affecte leur chiffre d’affaires. Les restaurants doivent aussi pouvoir contrôler et savoir qui réserve une table chez eux, et avec ce système, il leur est impossible de connaître l’identité des personnes qui vont venir dans leur établissement. »
Ces sites d’un nouveau genre sont aussi problématiques pour les clients de restaurants. « Ce système censé permettre l’accès à ces tables réputées a en réalité rendu encore plus difficile les réservations, poursuit Alex Bores. Les tables sont prises d’assaut par des personnes qui connaissent toutes les astuces et dont c’est la spécialité. Le client lambda n’a plus aucune possibilité de réserver dans certains lieux, sans compter que cela fait monter inévitablement la facture. »
La loi proposée par le député a été adoptée par le parlement new-yorkais. Elle est désormais sur le bureau de la gouverneure qui, dès qu’elle l’aura signée, obligera ces sites de revente à obtenir l’autorisation des restaurants en question avant de proposer des tables à la revente. Parmi les établissements concernés, le restaurant français Maison Close fait partie des plus demandés. Le week-end, le lieu affiche toujours complet. Sur les sites de revente, plusieurs centaines de dollars sont parfois demandés par des tierce-parties pour céder leur réservation.
« L’adoption de cette loi sera une bonne chose pour les clients, parce que les réservations n’ont pas à être payantes, confient les deux propriétaires du lieu, Thibaut Castet et Theliau Probst. Mais personnellement, même si on a constaté ce phénomène, on n’a pas vraiment été affectés : on a mis en place des systèmes pour éviter les no-shows, en demandant systématiquement une confirmation de réservation. Les réservations non confirmées sont automatiquement annulées ». Quand la loi sera signée, elle sera la première du genre adoptée au niveau de tout un État américain.