Le rendez-vous est donné devant le café Angelina, à Bryant Park, tout près des nouveaux bureaux de Nathalie Kosciusko-Morizet. L’occasion est trop belle de faire comme les nombreux new-yorkais, par ce chaud après-midi de juillet : saisir deux chaises et engager la conversation dans le parc, chocolat froid à la main.
L’ancienne ministre française de l’Écologie, qui a quitté la politique en 2017, est depuis trois ans installée à New York. Arrivée initialement chez Cap Gemini, elle vient de changer de casquette et rejoint le monde de l’investissement, en devenant senior partner du fonds français Antin Infrastructure Partners. Ce dernier vient de lancer une initiative appelée Next Generation, qui vise à identifier les infrastructures durables de demain en Europe comme en Amérique du Nord. Nathalie Kosciusko-Morizet va diriger une équipe dédiée à cette thématique depuis New York, où Antin Infrastructure Partners compte 35 personnes de toutes origines.
Retour aux sources
« Il y a une vraie transformation en cours dans le monde des infrastructures. Le progrès technologique rencontre de nouveaux besoins en termes de respect de l’environnement, d’autonomie, de connectivité, et les infrastructures permettent de transformer ces innovations en réalité », s’enthousiasme-t-elle. Le fonds Antin Infrastructure Partners, qui a été un des pionniers à investir dans la fibre optique, vient de lever un fonds midcap de 2,2 milliards d’euros, qui sera investi en Europe et en Amérique du Nord. S’il est déjà un investisseur expert des infrastructures durables, l’objectif est de réfléchir à de nouvelles opportunités de façon transversale, multisectorielle. « C’est un retour aux sources pour moi », dit avec un sourire celle qui a commencé sa carrière au ministère des Finances en 1998, en charge de négocier l’application des Protocoles de Kyoto. « A l’époque, peu de gens connaissaient le concept de l’effet de serre, ils le confondaient avec les pluies acides. Aujourd’hui, Il y a enfin une véritable prise de conscience verte ». Elle loue ainsi le véritable « alignement des planètes » entre les innovations d’un côté et ceux qu’elle appelle les ‘enablers’ de l’autre, les pouvoirs publics ainsi que les acteurs privés comme les fonds d’investissement.
Libre à New York
Une chose est sûre, Nathalie Kosicusko-Morizet savoure l’anonymat de la vie à New York. « J’ai été surprise par la rémanence de l’image politique en France », déclare celle qui a eu du mal à trouver un employeur privé sérieusement intéressé par ses compétences lorsqu’elle a quitté la politique en 2017. A l’époque, elle noue une relation de confiance avec Paul Hermelin, le PDG de Cap Gemini, et ils conviennent ensemble que la jeune femme doit partir à l’étranger pour entamer sa nouvelle vie dans le privé. Ce sera New York, une ville de cœur où elle prend en charge l’intégration d’une ancienne filiale de Lockheed Martin, que le géant mondial du conseil vient de racheter. Avant d’être rappelée par le fonds Antin, qui l’avait déjà sollicitée dans une phase plus précoce de son développement américain.
Une reconversion très réussie, tant au niveau professionnel que personnel. « Je me sens très libre à New York. On ressent intensément que beaucoup de choses sont possibles ici, même si le quotidien est difficile ». Car la pandémie et le confinement ont été éprouvants pour Nathalie Kosciusko-Morizet et sa famille, elle qui habitait à quelques blocs de plusieurs hôpitaux dans l’Upper East Side et se souvient des bruits permanents de sirènes, si anxiogènes. Malgré tout, elle dit avoir trouvé sa place dans cette ville, qui a aussi conquis ses deux garçons de 11 et 16 ans. « Je n’avais pas réalisé à quel point ma carrière politique avait pesé sur eux en France. Je les ai vus s’épanouir pleinement à New York ». Tout comme ses enfants, Nathalie Kosciusko-Morizet compte miser sur son profil biculturel et garde, plus que jamais, un œil de chaque côté de l’Atlantique.