Des bouquets de fleurs, des mots de fans et autres signes de reconnaissance affluent devant la porte de Petit Trois, sur Ventura Boulevard.
La rock-star des lieux, c’est Ludo Lefebvre, le chef français dont les tatouages sont devenus aussi célèbres que sa cuisine. Il a ouvert ce nouveau restaurant à Sherman Oaks à la mi-mai. “C’est la première fois de ma vie que ça m’arrive, s’émerveille-t-il. J’ai toujours voulu faire une brasserie ouverte toute la journée et où le service va vite. C’est ce qui me manque le plus de Paris, un restaurant de quartier où l’on retrouve les habitués. C’est de cette nostalgie qu’est né Petit Trois.”
Il a reproduit son concept d’Hollywood, mais en plus grand – le nouvel établissement accueille 103 places assises. A l’instar de son aîné, le menu du nouvel établissement propose des plats “100% français”, tels qu’une omelette au boursin “cuite doucement et roulée”, des escargots en persillade “que je vends à la pelle”, le steak tartare, un croque-monsieur “comme tu en mangerais à Paris” et la soupe à l’oignon gratinée. “C’est de la cuisine classique, comme je l’ai apprise en France et en Bourgogne. C’est ce qui a fait le succès de Petit Trois, alors que beaucoup de chefs veulent ajouter des saveurs asiatiques ou des épices mexicaines.”
Un restaurant familial
Loin des endroits huppés de la ville, ce choix d’emplacement peut surprendre. Mais c’est mal connaître le chef français, qui vit à Sherman Oaks avec sa famille. “Il y a assez de bons restaurants à West Hollywood ou Beverly Hills, alors qu’ici, il en manque.” Sans compter que ce quartier familial -le chef étant lui-même père- avait besoin d’un endroit où amener les enfants. “Je veux qu’ils créent des souvenirs dans le restaurant.”
Pour autant, ce ne fut pas une mince affaire : après deux ans de recherche éreintante, il a affronté “le cauchemar des permis” pour entièrement refaire les lieux à son goût. L’ambiance, digne d’un bistrot parisien avec ses nappes blanches et ses chaises en osier, tout comme ses tables exiguës propices à la discussion, est relevée par une tapisserie vert émeraude. Seule chose que le chef peine à reproduire : le service. “Les serveurs en France savent ce qu’ils font. Ici, ce n’est qu’un job alimentaire, ils sont avant tout acteurs.”
Pas la folie des grandeurs
Malgré cette ouverture, qui enthousiasme les foules, le chef aux bras tatoués et au nez percé ne projette pas de répliquer tous ses concepts, en particulier Trois mec, son restaurant semi-gastronomique où les menus sont dévoilés au dernier moment et payés en avance.
“Je n’ai pas envie de grandir trop vite”, précise celui qui préfère développer ses bistrots à Orange County et hors de l’Etat. Il aspire également, dans un coin de sa tête, à exporter LudoBird, son restaurant sur le pouce de poulet frit, à Paris. “C’est la même technique que pour le poulet rôti que j’ai apprise dans les trois étoiles, pour que ce soit croustillant et moelleux”, détaille-t-il, inlassable sur sa volaille préférée.
De retour de Saint-Tropez, le chef qui est également à l’initiative du franco mexicain Trois Familia trépigne d’envie de développer un concept sur une cuisine du Sud de la France, à base de bouillabaisse, poisson grillé et poivrons marinés. “La clientèle californienne, qui veut une cuisine diététique, se marrie parfaitement avec ce type de plats”.
Il justifie son succès par la ville elle-même. “Los Angeles est un lieu où les artistes peuvent s’exprimer. En tant que cuisinier, on peut faire ce que l’on veut tant que c’est de la qualité”, assure Ludo Lefebvre qui a fait ses débuts californiens à l’Orangerie, puis au Bastide, avant de se décider à se mettre à son compte il y a six ans. “J’ai fait un gastro, du poulet frit : je ne pense pas que j’aurais eu autant de succès à New York.”
Que ses fans se rassurent, il continuera de véhiculer sa parole dans les médias, avec un futur livre sur l’art de vivre à la française. “C’est important de représenter d’où je viens”. Il est en train de pitcher un projet d’émission de télévision autour d’une école de cuisine. “Je veux montrer aux futurs chefs ce que j’ai appris dans les écoles françaises, mais aussi leur dire d’être patient : j’ai attendu mes 39 ans avant d’ouvrir mon premier restaurant.”