Des hugs, quelques larmes et un élan de générosité à déplacer des montagnes. Ce samedi 11 janvier, une quantité impressionnante de vêtements, produits d’hygiène, livres et jouets ont été installés sur des tables pliantes, dans un studio de tournage de Burbank transformé pour l’occasion en centre de dons. Cinq jours à peine après le début des terribles incendies qui ravagent Los Angeles, les parents d’élèves du Lycée international de Los Angeles, le Lila, se retroussent les manches pour organiser la solidarité.
En tout, 31 familles françaises ont perdu leur maison et tous leurs biens à Pacific Palissades et Altadena, selon le décompte du consulat. La communauté du Lila, répartie sur les quatre campus de Los Feliz, West Valley, Pasadena et Burbank, paie un lourd tribut : une vingtaine de familles d’élèves francophones scolarisés à Pasadena ont perdu leur maison dans les flammes, à Altadena. « Beaucoup sont parties vite, rappelle Caroline Adler, présidente des parents d’élèves du campus de Los Feliz. Ces familles ont besoin de culottes, chaussettes, brosses à dents, d’habits… Elles sont en train de penser aux assurances et à comment récupérer leurs documents, alors on est là pour leur donner l’essentiel. »
Anneli Harvey, la directrice par intérim du Lila, fait partie des sinistrés. Ce matin-là, elle est à la fois la cheffe d’établissement qui coordonne l’aide et la maman aux traits tirés qui met de côté des pulls pour sa fille de 21 ans. « On a tout perdu. Ma maison a brûlé, à Altadena. On est allés la voir avant-hier. C’est apocalyptique, il n’y a plus rien, c’est la dévastation totale », confie-t-elle. Face à ce drame, la générosité des parents d’élèves lui fait chaud au cœur. « C’est vraiment sur ça qu’il faut s’appuyer. Il va falloir vraiment qu’on avance ensemble, qu’on reconstruise ensemble », assure-t-elle.
Pour le Lila, qui a fermé après les incendies, la priorité est d’accueillir à nouveau les élèves dès ce lundi 13 janvier. « Il faut que les enfants retrouvent leur routine. On va mettre en place des conseillers, pour le bien-être psychologique des enfants, des parents, et des professeurs », précise la directrice.
Dans la communauté française de LA, l’aide d’urgence s’organise tout azimut via des groupes WhatsApp, des google doc partagés ou des cagnottes. Les Elles Collective, association qui rassemble près de 150 entrepreneures francophones aux États-Unis dont la plupart en Californie, ont mis en ligne une cagnotte (voir à la fin de l’article la liste des initiatives pour envoyer les dons) pour soutenir cinq personnes de leur communauté qui ont perdu leur maison. « Elles ont besoin d’argent tout de suite, face à l’ampleur de tout ce qu’elles ont à racheter, même si ce geste peut paraître dérisoire, indique Céline Amilien, présidente de l’association, soucieuse de respecter l’intimité des sinistrées dans ces moments très difficiles. J’ai échangé avec chacune pour leur dire qu’on sera là sur le long terme. »
De même, Los Angeles Accueil lance un appel aux dons pour quatre des familles qui n’ont plus de toit. « Ça se réveille et ça s’active. Les communautés s’entraident entre elles, au niveau de chaque école, de chaque association, et c’est le fonctionnement même de l’Amérique », se félicite Linda Fellinger, vice-présidente de Los Angeles Accueil, qui a fui les fumées de Pasadena pour abriter sa famille à San Diego. « Je vois passer des google doc partagés, des listes de dons, d’appartement à louer ou de services proposés par tel ou tel business. Tout le monde veut donner, mais comment coordonner tout ça ? Ceux qui ont tout perdu ont d’abord besoin de se reloger avant de penser au reste. »
Retrouver un toit et une école pour ses enfants, c’est la priorité de Morgan Jacquat qui a perdu sa maison à Pacific Palisades. « Comment ça va ? On est en vie ! », confie au téléphone cette Française, maman de deux enfants de 10 et 13 ans, mariée à un Américain, depuis Santa Barbara, où elle souffle chez des amis qui lui ont prêté un Airbnb. Ce n’est que mercredi soir que la famille a eu la confirmation que leur maison, qu’ils louaient, avait brûlé, avec toutes leurs affaires. « Je pensais qu’on allait revenir le lendemain. J’ai pris les passeports, les ordinateurs, une tenue de rechange… On ne se rendait pas compte », raconte-t-elle en évoquant leur angoissante fuite face aux nuages toxiques. L’école de sa fille, la Palisades Elementary School, a elle aussi été réduite en cendres, tandis que celle de son fils aurait été épargnée.
Sans toit ni école, comme des milliers d’Angelenos, ils sont confrontés à un vrai casse-tête. « J’essaie de retrouver un logement près de West Lake, explique Morgan Jacquat, qui dirige le bureau de Business France de Los Angeles. Pour l’instant, je n’ai pas trop de réponses. Les prix sont élevés. On ne sait pas où vont être délocalisées les écoles, c’est le gros sujet. » Impossible de reprendre le cours d’une vie normale sans un domicile pérenne. « Le premier matin, on est allés chez Target acheter des chaussettes, des affaires essentielles. Beaucoup d’amis nous ont proposé des vêtements. Je suis touchée par cet élan de solidarité, mais pour l’instant, tant qu’on n’est pas relocalisés et qu’on trimballe nos valises, nous n’avons pas besoin de grand-chose. Le plus important, pour les enfants, c’est de retrouver une vie normale et un lien social. C’est ce qu’ils expriment beaucoup. »
Mobilisés, les restaurateurs français multiplient également depuis le début des incendies les actions solidaires. Après plusieurs jours de fermeture, le restaurant Mr T. et sa boulangerie-pâtisserie situés à Hollywood ont rouvert dès vendredi 10 janvier. Le lendemain, Guillaume Guedj et le chef pâtissier François Daubinet offraient le petit-déjeuner et une part de galette à tous les pompiers de Los Angeles et aux victimes des incendies. « Jusqu’à la fin du mois de janvier, pour montrer notre soutien, 100% des recettes de nos boissons vendues seront reversées aux victimes des incendies », indiquait Guillaume Guedj.
Les fondateurs du restaurant Le Great Outdoor à Santa Monica ont, eux, proposé à leurs clients de commander des sandwichs directement sur leur site, à destination des pompiers de Pacific Palisades. « Plus de 3 000 ont été livrés par nos soins en vélo d’abord, en moto et en voiture », explique Rudy, le co-fondateur. L’opération devrait se poursuivre dans les prochains jours.
Toujours à Santa Monica, le restaurant de cuisine française Muse et son propriétaire Fardad Khayami ont livré des repas aux premiers pompiers ayant bravé les flammes. Loupiotte à Los Feliz offrait également jusqu’à ce dimanche 12 janvier le repas à toutes les personnes impactées par les évacuations et Maison Macha et sa fondatrice Macha Eliad a également offert ses pâtisseries aux stations de pompiers, en plus des livraisons régulières assurées aux personnes sans domicile fixe via @theconciergekitchen.
Le Consulat de France à Los Angeles, lui, continue d’informer les Français et de coordonner la solidarité. « Nous serons là dans la durée pour les accompagner », assurait le consul, Adrien Frier, samedi 11 janvier, au milieu des décombres du campus de Pacific Palissades du Lycée français où il se rendait accompagné de la directrice de l’établissement, Clara-Lisa Kabbaz, et d’une poignée de journalistes. « Nous avons négocié une réduction de 50% sur tous les hôtels du groupe Hilton, mais nous avons reçu assez peu de demandes d’hébergement d’urgence des Français, car l’hébergement solidaire a très bien fonctionné, souligne-t-il. À long terme, nous allons voir comment les accompagner autour des questions de logement, de scolarisation des enfants, et d’assurances, en mettant à leur disposition des spécialistes. »
Au-delà de l’aide d’urgence et de la reconstruction qui s’annonce colossale, c’est toute la ville de Los Angeles qui doit panser ses plaies. « Il y aura un avant et un après, insiste Linda Fellinger de Los Angeles Accueil. L’association attendait une centaine de personnes pour sa galette des rois, reportée de quelques jours, indique-t-elle. « Les gens ont besoin de se retrouver. Ils vont se prendre dans les bras et pleurer, c’est sûr. »
Agnès Chareton avec Alexis Chenu