La rentrée est toujours une période chargée. Elle le sera tout particulièrement pour Violaine Huisman. La nouvelle directrice artistique de L’Alliance New York (ex-French Institute Alliance Française) présentera, dès le jeudi 5 septembre, son premier « Crossing The Line » (CTL), temps fort de la programmation du centre culturel français de la 60e rue de Manhattan.
Vitrine du spectacle vivant franco-américain, mêlant œuvres innovantes de danse, théâtre et autres arts visuels, le festival s’étendra pour la première fois sur trois mois, jusqu’au samedi 7 décembre. « On a décidé d’en faire une véritable saison, l’équivalent du Festival d’automne à Paris, raconte la programmatrice. Par ailleurs, la scène du spectacle vivant à New York ressent toujours les effets de la Covid. Il me semblait qu’il y avait de la place aujourd’hui pour qu’un festival se déploie sur cette durée ».
La prise en charge de la grille des événements de L’Alliance New York, premier centre culturel franco-américain d’Amérique du Nord, est la suite logique du parcours de Violaine Huisman, qui vit entre la France et les États-Unis depuis plus de deux décennies. Fille des écrivains Denis Huisman et Catherine Cremnitz (et petite-fille du fondateur du festival de Cannes, Georges Huisman), elle a emménagé dans la Grosse Pomme en 1998 dans le cadre d’un stage dans l’édition. « Je ne savais rien faire, sourit-elle. J’avais peur de répondre au téléphone. J’essayais toujours de m’en éloigner quand il sonnait car mes collègues me trouvaient insupportable. Je demandais à mes interlocuteurs de répéter cinquante fois leur nom ».
Elle décide toutefois de rester à New York, finissant ses études à la Sorbonne par correspondance. Un poste au sein de l’éditeur indépendant Seven Stories Press, lancé par sept auteurs dont Annie Ernaux, lui permet de décrocher un visa et de rester. Elle fondera éventuellement une famille avec un Américain de l’Iowa. « Un jour, je me suis aperçue que mes filles, qui sont nées aux États-Unis, me considéraient comme une immigrée ! Cela m’a prise au dépourvu, dit-elle. Pour moi, mon identité est intrinsèquement liée aux deux pays. Je ne pourrais pas vivre sans retourner en France ou sans New York ».
Pendant toute sa carrière, elle a jonglé entre plusieurs casquettes. Romancière récompensée pour son travail (Fugitive parce que reine, Les monuments de Paris…), elle a aussi travaillé comme traductrice et organisatrice d’évènements culturels et littéraires pour le BAM (Brooklyn Academy of Music) et le FIAF, avec lequel elle collaborait de manière indépendante depuis 2005 sur divers projets. Elle fut notamment la co-commissaire du festival pour enfants TILT aux côtés de Lili Chopra, l’ancienne programmatrice du French Institute Alliance Française, et Rima Abdul Malak, ex-attachée aux Services culturels de l’Ambassade de France qui deviendra ministre de la culture en 2022.
Pourquoi cette profusion d’activités ? « Je me sens plus sereine dans cette énergie d’accumulation, glisse-t-elle. Toutes ces choses se répondent. Mon travail d’écriture me donne une autre perspective sur mon métier de programmatrice et une singularité de pensée par rapport aux formes d’art que je défends. De la même manière, le spectacle vivant informe ma pratique d’écriture ».
Quand la présidente de L’Alliance New York, Tatyana Franck, lui a proposé l’an dernier de prendre les rênes de la programmation, elle n’a pas hésité. « Nos visions sont alignées. Nous voulons mettre l’accent sur l’ouverture sur le monde, l’inclusion et la diversité. La langue française ne doit pas être orientée strictement sur la France, mais sur la francophonie. Cela permet d’engager un rapport avec le monde. Le tout avec une très grande exigence artistique », explique-t-elle.
Cette ligne, elle l’a suivie pour l’organisation de son premier « Crossing The Line ». Celui-ci présentera notamment les travaux d’artistes français et francophones jamais montrés en Amérique du Nord. À l’image du spectacle de danse de Bintou Dembélé, la première femme chorégraphe noire à avoir été recrutée par l’Opéra de Paris. Elle viendra partager son « Rite de passage – Solo II » inspiré du « marronage », le nom donné à l’acte de s’extraire de l’esclavage, en clôture du rendez-vous.
La festival comprendra aussi des événements pour toute la famille (à partir de 2 ans). En effet, il a été décidé de fondre TILT et CTL dans un même festival. « Les publics sont les mêmes », justifie Violaine Huisman. Et de préciser: « Ma programmation ne se destine pas qu’aux expatriés français, mais à tous les New-Yorkais. C’est plus intéressant pour les Français qui habitent ici car cela leur permet de vivre cette ville dans toute sa diversité, sa pluralité et son exigence esthétique ».
Crossing The Line 2024, L’Alliance New York, du jeudi 5 septembre et samedi 7 décembre. Programme et billets ici