Le parcours d’Hervé Descottes s’apparente à une success story. Ce Bourguignon de naissance débarque au début des années 90 à New York, faute de travail dans une France en plein marasme économique. A son arrivée, il a seulement un ordinateur portable et 6000 dollars en poche, dont 2000 pour le loyer. Aujourd’hui, il est à la tête d’une agence de quinze personnes, avec une branche à Phoenix en Arizona; a reçu en 2003 le prix d’excellence en Design de la ville de New York pour son travail sur l’éclairage extérieur du Centre d’Art Contemporain P.S.1; et a conduit plus d’une quarantaine de projets à travers le monde, de Hong-Kong à Helsinki, en passant par Sao Paolo et Los Angeles. Les bar et restaurant du Plaza Athenée à Paris, le Pont du Gard, c’est lui. La coulée verte (High Line), le NY Stock Exchange à New York, le musée Samsung à Séoul, c’est encore lui. Et la liste est très longue. Le secret? Du culot, des contacts et surtout beaucoup de volonté. “C’est très facile de s’implanter à New York quand on sait ce qu’on veut. C’est une ville d’opportunités, il n’y a pas de jugement de personnalité ici, même si on est jeune.”
Le Français avait toujours été attiré par les États-Unis, mais New York s’est imposée comme une évidence, “un bon lien entre un pays neuf comme l’Amérique en matière de design, et la vieille Europe“. Mais c’est surtout la dimension internationale de cette ville qui l’a séduite. Comme il le dit lui-même: “New York offre une image plus grande du monde. En venant ici, j’obtenais immédiatement une visibilité internationale que je n’aurais jamais eu ailleurs”. C’est ici qu’il y a le plus grand nombre de designers et d’architectes au monde, quelque soit leurs nationalités ou leurs projets, et c’est ici aussi qu’il y a la plus grande demande pour du light design. New York, c’est donc une plaque-tournante, “un trampoline”, dont la concurrence effrénée ne laisse guère le temps à la contemplation. “Ici, on est à l’abri de rien, on est reconnu que pour ce que l’on fait dans le moment présent”. De l’action, toujours de l’action.
Comme il aime à le répéter, l’Observatoire International a beau être une compagnie basée à New York, son champ d’action n’est ni plus ni moins que le monde, pour son plus grand plaisir: “chaque projet est un voyage”. “Mon travail est malléable, comme la lumière“, et pour cela, il ne se restreint à aucune contrainte, ni de forme, ni de fond: variété géographique, avec des projets sur les 3 continents; variété des objets traités: musées, restaurants, jardins, monuments; variété dans l’envergure des chantiers: du plus grand (le réaménagement d’une usine de traitement des eaux à Brooklyn) au plus confidentiel (la boutique Issey Miyaké à Soho). Chaque réalisation est le fruit d’un travail d’équipe efficace: “Je ne suis pas un artiste, pour moi l’idée de partage et d’un dialogue d’idées est très importante“. Sur place, il s’agit toujours de manœuvrer avec des collaborations diverses et des équipes locales. “C’est important de s’accorder aux sensibilités de chacun, aux instincts régionaux”. “Pour autant, si on vient chercher un français à New York, c’est pour que l’on (l’Observatoire International) apporte une vision moderne et internationale”.
Pourquoi justement faire appel à Hervé Descottes, des quatre coins du monde? “Parce que je n’ai pas d’approche unique de la lumière, au contraire j’essaie développer une approche plurielle, qui ne soit ni tout à fait fonctionnelle ou commerciale, ni simplement émotionnelle, et qui s’accorde toujours en fonction du lieu et de la demande“. La lumière est pour lui un instrument dont il cherche à faire vibrer toutes les cordes, dans une parfaite harmonie avec son environnement. “La lumière est une âme, je m’intéresse surtout à sa dimension poétique“. Peu importe de remarquer comment tel ou tel lieu est éclairé, l’important est de s’y sentir bien, et d’en garder un ressenti imperceptible liée à une ambiance, une atmosphère. Avec les jeux de lumière, le designer français veut ainsi créer l’empreinte du lieu, ce qui restera longtemps après qu’on en soit parti.
Pour faire accepter cette approche moderne et sensible de la lumière, Hervé et son équipe ont du y aller à force de détermination, surtout ici à New York. “Le goût des new-yorkais est assez conservateur, il est difficile de faire réaliser des choses différentes“. “New York est certes une ville de création, mais souvent la création part à l’étranger. Pour la réalisation, c’est là ou les difficultés arrivent: il y a énormément de codes, de contraintes et de réglementations en tout genre” explique-t-il. “Lorsque je propose une idée à New York, c’est toujours “unbelievable, great”dans un premier lieu. Et ensuite, on vous explique que tout ne va pas être possible, qu’il va falloir couper là et là…“. L’architecte reconnait aussi que la course aux économies pèse beaucoup sur ses projets aux États-Unis, contrairement à l’Europe, ou l’argent public accompagné d’une enveloppe budgétaire fixe permettent une plus grande liberté. “En France, on rencontre une plus grande ouverture d’esprit, pour des créations plus originales”.
Néanmoins, le Français adore travailler à New York. Il s’y sent chez lui: “c’est comme changer une ampoule au plafond de sa maison“. Et il reste ici encore beaucoup à faire: les éclairages de quartiers notamment, et “vous avez vu ces éclairages victoriens dans Central Park!?“. En 2004, il avait d’ailleurs proposé une maquette pour des nouveaux lampadaires publics dans un style moderne et épuré. Mais apparemment les belvédères victoriens ont encore de beaux jours devant eux….