“Les Américains n’ont pas le même rapport que nous aux meubles anciens. Ils les transforment sans se poser de question, y ajoutent des dorures ou retirent des finitions. En France, on ne se permettrait jamais de telles extravagances!” Pour Christophe Pourny, un restaurateur français amoureux de New York, il y a tout un monde entre la rénovation française de meubles et celle que l’on pratique outre-Atlantique. Ce spécialiste de la remise en état de meubles anciens habite dans la Grosse Pomme depuis 20 ans et ne se lasse pas de ces clients qui viennent le voir en lui disant: “J’ai un Louis”, sans faire de différence entre Louis XIV, Louis XV, etc… “Pour eux, un ‘Louis’ c’est un terme générique”, s’amuse l’amateur d’art.
Dans son atelier à DUMBO (Brooklyn) on trouve de nombreux meubles d’art en plus ou moins bon état. Une commode dorée allemande du XVIIIème, “pièce unique” aux finitions très recherchées, une table de toilette pour dames du milieu du XIXème ou encore une armoire blanche toute simple, de la période “art déco”. Entouré de ses quatre assistants américains, Christophe Pourny ne chôme pas. “Quand on arrive de France, le plus difficile, c’est de faire son réseau. Il faut connaître les décorateurs, les amateurs d’art… Mais une fois qu’on s’est implanté, le travail ne manque pas: les Américains sont friands du savoir-faire français”, assure-t-il. Venir de France est un réel atout dans le milieu de la restauration américaine, car notre pays reste l’un des meilleurs en la matière. Lorsque Christophe Pourny doit refaire les clefs d’un meuble, il n’hésite pas, il les envoie à Paris.
“Les Français sont mieux formés parce qu’ils ont les meilleures écoles au monde” assure-t-il. Autrement dit l’école Boule, les Arts Décoratifs et les Beaux-Arts. “Je ne comprends pas pourquoi les étudiants dans ce domaine restent en France, où leur métier est souvent considéré comme bêtement manuel. Ici, avec leurs connaissances, ils ont plein de possibilités! Je suis convaincu que pour eux, l’avenir, ce sont les Etats-Unis”, assène notre amateur d’art. D’après lui, il est plus aisé pour un spécialiste des antiquités de s’installer aux Etats-Unis que pour un commercial ou un ingénieur. Lui-même est venu avec un visa de travail puis a obtenu très facilement un visa pour “capacités exceptionnelles dans le domaine des arts”.
Mr Meuble de Martha Stewart
Depuis mai, Christophe Pourny et son équipe rénovent la chambre du Conseil de la mairie de New York, un lieu hautement symbolique. Il ne leur reste plus que les finitions à réaliser: ils se rendront directement à la mairie pour les faire sur place. L’entreprise a restauré des hauts lieux new yorkais. Entre autres, le bureau de Georges Washington -qui est en exposition à la mairie-, ainsi que la chambre dans laquelle réside le Pape lorsqu’il vient à New York. Alors elle est comment, la chambre papale? “C’est très baroque romain, autrement dit jaune et or. Entre chaque venue du pape, on refait sa chambre: on ravive les dorures, on nettoie un peu les meubles…”. A côté de ces prestigieux contrats, Christophe Pourny est également le Monsieur meubles anciens de la célèbre Martha Stewart, qui l’invite plusieurs fois par an dans ses émissions télé et radio.
Les services de Christophe Pourny ne sont pas accessibles à tous: “ce sont des travaux très chers, qui vont de mille dollars jusqu’à plusieurs centaines de milliers de dollars” résume-t-il. Plus chers qu’en France? “Oui, pour la simple raison que les Français n’accepteraient pas de payer ce prix-là. Ils répareraient leurs meubles eux-mêmes”.
Les Américains changent leurs meubles de famille fréquemment
Si les Français sont très attachés à leurs meubles familiaux, les Américains les changent régulièrement. “Dans l’Upper East Side, dès que quelqu’un achète un appartement, il casse tout et décide de tout refaire à neuf”, raconte notre spécialiste. Les riches propriétaires de l’Upper East embauchent alors un décorateur. “En général, ils disent: ‘je n’y connais rien, occupez-vous de tout’, et c’est le décorateur qui prend la maison en charge”, ajoute Christophe Pourny. Le “décorateur tout-puissant” est un phénomène typiquement américain: en France, les propriétaires peuvent engager ponctuellement un décorateur mais il est très rare qu’ils lui laissent carte blanche. “Pour nous Français, cette volonté constante de changement, c’est fou”, raconte Christophe. “Une fois, je n’avais pas encore terminé un appartement que son propriétaire en a trouvé un autre et l’a vendu. L’acheteur suivant a décidé de tout reconstruire à nouveau. J’ai dû détruire les boiseries sur lesquelles je travaillais depuis deux ans et qui n’étaient pas encore terminées!” se souvient-t-il.
Lorsque Christophe Pourny raconte ces anecdotes, il n’est pas vraiment choqué: il est habitué. En un sens, cet esprit de constant renouveau l’amuse. “Il faut savoir se détacher de son travail: je ne changerais pas mes meubles aussi souvent, mais quand mon client me demande de le faire, cela ne me pose pas de problème. Et puis, cela permet d’être plus créatif”, assure notre restaurateur. Qui a trouvé son bonheur aux Etats-Unis: la France, il n’y retournera pas.
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