On nous avait parlé de Di Fara il y a deux ans lors d’une soirée arrosée. “C’est la meilleure pizzeria de New York. La meilleure” , nous avait lancé notre interlocuteur, un New-Yorkais pur jus. Dans une ville où l’on trouve la “meilleure pizza de New York” à tous les coins de rue, on serait tenté de mettre cette affirmation sur le compte du mojito de trop. Mais quand on arrive devant ce petit établissement sans prétention, au milieu des devantures en hébreu d’Avenue J à Brooklyn, on se dit qu’on aurait dû le prendre au sérieux.
Les portes de Di Fara Pizza sont tapissées des vignettes autocollantes de Yelp, Trip Advisor et de Zagat (tous les ans depuis 2011) et de plein d’autres sites qui louent son extraordinaire pizza.
A l’intérieur, Domenico DeMarco est occupé à enfourner les pizzas et faire la pâte. Cet octogénaire parfaitement coiffé, qui a ouvert cette pizzeria en 1965, est toujours fidèle au poste, même si les années l’ont ralenti. Il a été rejoint par trois de ses enfants, dont sa fille, Margaret, occupée à jongler avec les commandes et les boites à pizza. Dans l’entrée, une cliente semble un peu perdue. “Savez-vous s’il y a un restaurant ou une autre salle ici?” demande-t-elle en regardant trois pauvres tables contre les murs jaunes délavés. Non, c’est tout.
Dans une ville où les restaurateurs se plient en quatre par peur de voir le client aller chez le voisin, Di Fara est une anomalie. Ici, le client n’est pas roi. Le restaurant est fermé le lundi et le mardi, et ouvert de midi à 8pm les autres jours (1pm-8pm le dimanche). Le menu est limité et cher (5 dollars la tranche et 30 dollars la pizza entière). L’attente est longue. Très longue. Parfois plus de deux heures, selon le blog de Di Fara, qui comporte aussi quelques conseils pour réussir votre expédition au fin fond de Brooklyn.
Lors de notre visite un dimanche soir, il fallait attendre une bonne heure et demie pour se faire servir. “C’est le temps d’attente normal” , a rétorqué Margaret, la fille de Domenico DeMarco à un client qui avait laissé son cerveau en 2016. “Ca vaut le coup d’attendre” , lui a lancé un couple, qui avait décidé de prendre son mal en patience autour d’une petite table ronde.
Certains clients, comme nous, ont de la chance et récupèrent une pizza qui n’a pas été collectée par un pauvre inconscient. Quand on demande à Margaret le secret de la pizza de Di Fara, elle répond: “l’expérience, cela fait longtemps qu’on fait ça. Mais aussi les ingrédients. Certaines herbes viennent d’Israël et tous nos fromages sont importés directement d’Italie” .
La pizza justement, on serait tenté de lui trouver des défauts, mais elle est excellente. La croûte est épaisse et croustillante. Les tomates sont savoureuses, mais laissent la place au parmesan de s’exprimer. Et si vous oubliez que vous êtes dans un endroit spécial en regardant la déco un tantinet glauque, levez les yeux pour voir les articles et récompenses accrochés dans des cadres au-dessus des tables. Le New York Times par-ci, Zagat par-là, Bon Appétit Magazine à droite, Time Out à gauche. On aime celui de Zagat, qui liste la pizzeria dans la catégorie “extraordinaire“ . La bonne nouvelle: la pizza est tellement riche qu’elle vous comblera pour 24 heures. Après, il faudra revenir. Et attendre une heure et demie.