À Bushwick, une cheminée industrielle désaffectée ayant appartenu à la compagnie pétrolière Morgan Oil accueille depuis deux ans des expositions indépendantes et pointues. Appelée The Chimney, en hommage à sa première vie, l’espace est tenu par deux Françaises, Jennifer Houdrouge et Clara Darrason.
Débarquée à New York en 2014, cette dernière étudie au Sotheby’s Institute of Art et organise sa première exposition new-yorkaise dans un espace de stockage à Chelsea. Stimulée par l’effervescence de la ville, les lieux d’exposition atypiques qu’elle découvre, et forte de ses expériences en maisons de vente (Hôtel Drouot, Christie’s) et en foires d’art contemporain, l’étudiante rêve d’ouvrir son propre espace. « Ici, ça ne me semblait plus être un parcours du combattant mais une réelle possibilité! Notamment grâce au soutien de ma communauté d’amis, artistes, professeurs et commissaires d’exposition » , se souvient-elle.
Juste en face de l’atelier de son conjoint, elle remarque un cube industriel abandonné. « Pendant les Bushwick Open Studio, je voulais montrer les sculptures en verre soufflé de l’Américain Andrew Erdos et cet espace vide et brut de décoffrage me semblait idéal. »
Le propriétaire du lieu, la compagnie Livestream Public, accepte de lui prêter la cheminée quelques jours. Face au succès du show, la programmation se prolonge. Ainsi nait la Chimney. À la grande surprise de la Française, son « landlord » se transforme en mécène : pendant un an, elle ne paye aucun loyer. Et Livestream Public propose même de diffuser en streaming des performances réalisées au sein de la galerie. Ce soutien inattendu permet à Clara Darrason de finir son master tout en faisant vivre ce jeune espace artistique.
« Ma seule peur était de ne pas trouver un public. Mais très rapidement un cercle d’habitués s’est constitué, le bouche-à-oreille a aussi contribué à la visibilité grandissante de l’espace » . Elle s’associe à la Monégasque Jennifer Houdrouge, 23 ans, qu’elle a rencontré sur les bancs de Sotheby’s. Le duo se donne alors pour mission de faire de la Chimney une destination, notamment en organisant des expositions innovantes, ce que permet l’espace.
Tant par ses sept mètres de hauteur sous plafond, ses briques ou son absence de fenêtres, The Chimney est un lieu d’expérimentation totalement affranchi des codes “white cube” d’une galerie d’art classique. C’est ce défi, mais aussi cette liberté, qui enthousiasment les deux associées.
« J’aime l’idée que la Chimney est un support sur lequel s’appuyer et créer. Son architecture est en mouvement perpétuel et se transforme d’une exposition à une autre» note Jennifer Houdrouge. Depuis le 18 novembre, la galerie accueille ainsi un cocon de bois et verre de 4 mètres de long, suspendu au plafond, créé par l’artiste Nathalie Rodach. Cette exposition poétique appelée “Call In” mêle vidéo, sculpture et installation. Elle aura d’ailleurs un pendant en Europe, puisque Nathalie Rodach présentera “Call Out” , ou l’éclosion du cocon, en janvier à la galerie Andata Ritorno de Genève.