« Alors, on annonce le gars qui vient de France, et tout le monde part, ça y est ?! » En montant sur la scène d’une des scènes du Fun Fun Fun Festival d’Austin samedi après-midi, la star franco-marocaine Gad Elmaleh a eu fort à faire pour retenir l’auditoire.
Pas de doute: ici, il n’était pas attendu comme en France. Le public était venu avant tout écouter le rappeur new-yorkais GZA qui a eu 25 minutes pour se produire. Gad Elmaleh n’en a eu que dix (contre quinze initialement prévues) pour faire son show en anglais.
En moquant le peu de penchant pour les langues des Américains ou leur inculture géographique, le charme de Gad Elmaleh a toutefois rapidement opéré, dans le cadre de ce festival de musique et d’humour connu pour faire découvrir de nouveaux talents. Il a chauffé la salle en racontant ses premiers contacts avec les Américains, qui ne se souviennent pas de leurs cours de français.
A ceux qui lui demandent ses motivations à faire un spectacle en anglais, il répond: « Eh bien j’avais besoin de me remettre en question, et maintenant… je vis le rêve américain ».
“I’m not doing my French show for 20$”
Le spectacle, rôdé pendant deux semaines et demi à New York au début de l’automne après des premières représentations en anglais en 2013, était dès lors lancé, et l’humoriste pouvait enchaîner des blagues sur les différences entre les cultures française et américaine en matière de lutte contre le terrorisme, de vacances ou encore d’amour, sans oublier un clin d’œil au Texas, qu’il visite pour la première fois : « Le rêve américain au Texas. Mmm… je ne m’attendais pas à ça ! »
Quelques heures plus tard, le public austinite avait de nouveau rendez-vous avec la star, au North Door, un bar du centre-ville. Dans la capitale du Texas, comme dans toutes les villes du « US tour » de Gad Elmaleh (Dallas, Vancouver, Portland, Seattle, San Diego, San Francisco, Philadelphie…), son public international s’est arraché les places.
Une vie qui lui « remet les pieds sur terre »
La salle était pleine à craquer de francophones surexcités de différentes nationalités, et le début du spectacle n’avait rien à voir avec celui de la représentation au Fun Fun Fun Fest : « Bonsoir, ça va ?! That’s the only French you’ll hear tonight. I’m not doing my French show for 20$ », a lancé l’humoriste, qui a néanmoins fait plusieurs apartés en français et un en arabe par la suite.
« Mon public américain anglophone est composé de personnes qui ont des connexions avec le monde francophone et l’international pour l’instant », reconnaît Gad Elmaleh dans une interview accordée à French Morning dans un hôtel chic du centre-ville d’Austin où… il n’a pas dormi ! « Les producteurs prennent des hôtels moins chers quand on se produit dans des petites salles. Je suis à vingt minutes du centre », confie l’artiste, qui ne se dit pas mécontent de ce changement radical.
Cette « nouvelle vie » lui « remet les pieds sur terre » et lui permet de se balader, sac au dos, dans la rue en toute tranquillité, même si c’est quand même « dur » de bosser tous les jours son anglais et actualiser tout le temps son spectacle, privé du confort réservé aux stars.
“Je recommence vraiment tout de zéro”
Interrogé dans la foulée de la représentation au Fun Fun Fun Fest, l’artiste semble encore digérer le choc de cette première prestation dans le cadre d’un festival américain. « Ce que vous avez vu, me produire devant des gens qui partaient, c’est l’une des choses les plus difficiles que j’ai jamais faites », lance-t-il tout de go, conscient que « s’il y avait du monde devant la scène, c’était sans doute par hasard ».
« Je recommence vraiment tout de zéro, je dois apprendre mon texte et m’appuyer sur des penses-bêtes listant les idées principales en anglais, alors que je peux me contenter de mots-clés en français. C’est très difficile, mais je veux convaincre, amener mon univers, ce que je suis. Le rêve américain, bien sûr que j’y crois, même si je pense qu’il faut pouvoir le malmener. Il y a une écoute pour ce qui est original et singulier ici. Quand tu vois des gens dans la salle qui te découvrent pour la première fois et qui rigolent, tu dis merci. »
Le plus beau cadeau que les fans francophone de Gad Elmaleh vivant aux Etats-Unis peuvent faire à leur idole, c’est donc sans doute d’amener un ami anglophone avec eux au spectacle. Mais à Austin, il semble que la plupart des conjoints anglophones de Frenchies soient restés à la maison.
Le pari de l’humoriste n’est pas gagné, mais son nouveau public anglophone semble avoir confiance en lui. Une jeune Austinite assurait après la représentation au Fun Fun Fun Fest vouloir faire plus de recherches sur l’artiste et découvrir d’autres humoristes francophones. Tandis qu’à la sortie du spectacle nocturne, Priscilla Chastain ne s’inquiétait pas que Gad Elmaleh puisse vexer les Américains en se moquant de leurs lacunes ou de leurs coutumes, « dans la mesure où il se moque de tout le monde ».
Photo : Greg Giannukos pour Fun Fun Fun Fest.