Quel est le point commun entre Emmanuel Macron et Yann Bizeul ? Ils utilisent tous les deux un A-1 pour venir aux Etats-Unis. Mais plus pour très longtemps. Car après quatre ans dans l’informatique à New York, le Rennais rentre en France. “C’est le grand retour“, s’exclame-t-il, assis dans un café sur Park Avenue fin juillet.
Yann Bizeul a passé trois ans sous A-1, le visa accordé aux diplomates et à certains fonctionnaires en mission à l’étranger, ainsi qu’à leurs conjoints. Il a obtenu le sien à travers son épouse, employée au consulat de France à New York. Les chefs d’Etat et de gouvernement, les ministres, les ambassadeurs, les consuls et les représentants des délégations de l’Union européenne (UE) et de l’Union africaine (UA) font également partie des personnes éligibles. “Obtenir le visa est très simple. Le gouvernement l’a pris en charge. Ils nous ont donné le passeport et voilà!“.
Le A-1 ressemble au visa que tout le monde aimerait avoir. Le traditionnel entretien au consulat des Etats-Unis en France, qui génère bien des angoisses, n’est pas requis – même si un officier consulaire peut en décider autrement. Les pièces à fournir, listées sur le site du Bureau des affaires consulaires américain, sont assez basiques. Le gouvernement doit fournir une “note diplomatique” précisant le statut du demandeur et la raison de son séjour aux Etats-Unis. Les titulaires de A-1 ne peuvent pas être poursuivis au titre de la loi américaine et leurs conjoints ont le droit de travailler. “Au total, la procédure a pris deux-trois mois“, se souvient Yann Bizeul.
New York n’était pas le premier choix pour le couple. “Au moment de faire nos choix de postes, on a mis l’Australie, l’Europe de l’Est et une autre destination. On n’en a eu aucun“. Mais quand un poste s’est libéré à la régie du consulat de France à New York, ils se sont ravisés. “New York, y’a pire quand même. On a mis nos trois enfants dans l’avion et on est parti à l’aventure”.
L’aventure était relativement confortable pour les Bizeul, loin des galères que rencontrent nombre de Français quand ils arrivent en ville. “On habitait sur la 5ème Avenue dans l’Upper East Side, près du consulat. Tout était pris en charge”. Pour Yann Bizeul, l’adaptation n’a pas été difficile, contrairement à d’autres conjoints d’expatriés. “J’étais dans une période de transition en France aussi. L’agence où je travaillais était sur le déclin. Je n’ai eu aucun problème à démissionner. À partir du moment où nous avons embrassé une nouvelle opportunité, je n’ai pas eu de mal à tout quitter“.
Et surtout, en tant que conjoint, le visa A-1 l’autorise à travailler, ce qui n’est pas le cas de tous les visas. Avant même d’avoir trouvé un travail, il obtient la sacro-sainte EAD (Employment Authorization Document), l’autorisation de travail valable pour la durée du visa. Rapidement, il décroche, malgré son “anglais scolaire“, un poste dans la société qui l’emploie depuis quatre ans maintenant. Son statut, et son visa peu habituel, n’ont pas freiné le processus, dit-il, sauf au moment du “background check” effectué par l’entreprise. Celui-ci aurait été anormalement long. “Le statut diplomatique a peut-être joué dans la lenteur“.
L’expatrié précise toutefois que peu de conjoints titulaires de A-1 autour de lui ont eu la même chance. “J’ai été le seul à trouver un travail. Ce n’est pas évident“.
Est-ce le visa de rêve ? Bémol: il ne donne accès à la carte verte que sous certaines conditions. En effet, les demandeurs doivent renoncer à leurs privilèges et protections diplomatiques et se soumettre au fisc américain s’ils veulent prétendre au précieux sésame. Ils peuvent également faire une demande de carte verte spéciale mais uniquement dans de rares situations, comme l’impossibilité de rentrer dans leur pays d’origine.
Aussi, le A-1 est valable pour la durée de la mission uniquement. Les Bizeul le savent bien. Quand la mission de son épouse n’a pas été renouvelée, Yann Bizeul a dû basculer sur un H-1B avec son entreprise pour permettre au couple de rester aux Etats-Unis. Après un an dans cette situation, ils ont décidé de rentrer en France pour se rapprocher de leur famille. “Il y a une forme de résignation, avoue-t-il. Mais on se dit qu’on a vécu une expérience fabuleuse. On a eu la chance de passer quatre ans dans une ville magnifique. Il y a des tas de gens qui ne cracheraient pas dessus. C’est un choix de revenir en France pour la famille. Nos parents sont encore jeunes et en forme. Il faut en profiter. On a la vie devant nous“.