La caméra de Lelouch met en scène le quotidien: «Un cinéma de concierge» nous confie-il. «J’adore quand il arrive des choses extraordinaires à des gens ordinaires.» En filmant le frisson, le plus petit instant de bonheur qui permet à l’Homme de s’épanouir, Lelouch donne une vraie couleur à ses héros. «J’ai fait des films avec des gens qui de temps en temps, avaient le droit à cette récompense». 50 ans de passion retracée par un film synthèse, bouleversant par son authenticité et la portée d’un sentiment universel : l’amour.
Ces Amours là, c’est le portrait d’Ilva Lemoine, une jeune femme spontanée et sincère, qui fait évoluer ses amours dans la France de l’occupation et d’après guerre. Ilva, c’est la figure de la femme moderne, qui donne pour remercier, qui aime pour exister. Quel que soit son amant, quels que soient le regard des autres, elle ne triche pas : Nazi, Américains, avocat… Elle aime, un point c’est tout. C’est ce que le metteur en scène voulait nous transmettre: des amours plurielles et sincères, qui résument une carrière menée par cette passion cinématographique. En établissant ses personnages au cœur de la guerre (souvenir traumatisant de son enfance), Ces amours là est un plaidoyer contre la modernité et ses valeurs superflues: «On a créé une société d’enfants gâtés. Aujourd’hui, il n’existe plus la culture de la mémoire personnelle ». Il déplore l’utilisation trop systématique d’internet, «la mémoire ne garde que l’essentiel, internet garde la merde», il revendique la culture du sensible, qu’on savait transmettre avant que l’informatique ne concurrence l’école… Finalement, pour Lelouch, « la culture c’est ce qui nous reste quand on a tout oublié»…
Qu’importe son succès, Claude Lelouch est très heureux de participer à ce festival du film français. Pas seulement pour pouvoir déguster les délicieux pastramis du Midtown, mais parce qu’il s’intéresse de près aux Etats-Unis. «Il est toujours intéressant de venir prendre la température de ce pays. Son rôle est trop important dans le monde pour ne pas aller de temps en temps sur place. ».
Sa carrière américaine, il n’en a jamais rêvé. Tout simplement parce qu’il se considère comme «un homme libre». Les metteurs en scènes aux Etats-Unis ont une situation inconfortable, tiraillés sans cesse entre les exigences des acteurs, des producteurs, des distributeurs… Hollywood donc, adieu : «J’ai eu la chance de pouvoir vivre en ne faisant que des films libres, ça durera comme ça jusqu’à mon dernier souffle. » Cependant, il ne refuserait pas de tourner avec certaines étoiles du cinéma américain, comme Natalie Portman, ovationnée dernièrement aux oscars, une femme universelle à ses yeux.
Et s’il reconnaît les failles du système américain, il reste fidèle à ce devoir de mémoire, véritable signature de ses films, et n’hésite pas à rappeler que sans les troupes alliées, il ne serait pas là aujourd’hui. «C’est un pays qui nous a libérés, je n’oublierai jamais ça”.