Gérard Michon le reconnaît: son résultat est « inespéré ». Au premier tour de la législative en Amérique du Nord, le conseiller des Français de l’étranger de Los Angeles a enregistré un score de 10,5% (5 439 voix), derrière Roland Lescure (Ensemble !) et Florence Roger (NUPES), qui obtiennent 35,4% des voix et 33% respectivement. Une position qui le place en maillon potentiellement déterminant pour l’issue du second tour.
Et ce, en s’étant déclaré candidat à la dernière minute – il a déposé son dossier à Paris « deux minutes avant la fin du délai légal » – et pratiquement sans faire campagne. Il s’est appuyé sur des « communications téléphoniques personnelles et en demandant aux gens que je connais de faire un peu de battage autour de ma campagne, dit-il. Je n’ai fait que deux e-mails (à la liste électorale consulaire, ndr) car mon compte a été bloqué – pour des raisons que j’ignore – pendant quatre jours en fin de la campagne électronique ».
Ses ex-adversaires ne l’applaudissent guère. Certains l’accusent d’avoir induit les électeurs en erreur en se faisant passer pour un membre de la majorité présidentielle défendant des thèses écologistes. Alors que le parti qu’il représente, l’UCE (Union des Centristes et des Ecologistes), ne fait pas partie de la coalition Ensemble!. « C’est une tromperie, estime Franck Bondrille, candidat indépendant arrivé en quatrième place. Il a fait de la cuisine. Il a pris l’écologie, les résultats de la présidentielle tout en tapant sur Lescure, le député sortant» .« Il a fait un coup de bluff », lance pour sa part, Patrick Caraco, l’ex-candidat de la Droite, du Centre et des Indépendants qui siège avec Gérard Michon au conseil consulaire de Los Angeles.
Ce dernier reste droit dans ses bottes. Il estime que la NUPES, regroupement de partis de gauche dont EELV (Europe Écologie Les Verts), n’a pas le monopole de l’environnement et qu’on peut soutenir Emmanuel Macron sans avoir été investi par Ensemble!. « Je considère que le soutien au chef de l’État est une chose, c’est ça la majorité présidentielle, et que soutenir les candidats soutenus par le président de la république en est une autre. »
Coup de bluff ou coup de génie… En tout cas, les voix recueillies par l’élu consulaire sont convoitées par Florence Roger et Roland Lescure. Les deux candidats se sont hissés au second tour avec 1 243 voix d’écart. Le député et sa concurrente se sont entretenus tous les deux au téléphone avec lui.
Joint mardi 7 juin par French Morning, Gérard Michon n’entendait pas donner de consigne de vote à ce moment-là. « Ma position est que, quelque soit le nombre de voix qu’on obtient, les électeurs qui vous soutiennent ne sont pas des électeurs que vous possédez. Je n’ai jamais été très partisan de donner des consignes de vote, je considère que c’est une usurpation d’autorité. La position finale que prendra l’UCE vis à vis des candidats individuels va influer sur ma décision mais moi, ce que je veux faire, c’est remercier mes électeurs et leur dire que c’est à eux de choisir pour le 2nd tour, ce sont des citoyens libres. C’est ma position actuelle, j’en changerai peur-être, surtout si mon nouveau parti (il y adhère depuis trois semaines seulement, ndr) décide de me demander de mettre un peu d’eau dans mon vin. »
Franck Bondrille, l’indépendant, a aussi été contacté par les deux candidats du second tour. Malgré un bon échange avec Florence Roger, « je ne peux appeler à voter à gauche, car mon électorat, en Floride, ne me suivra pas », estime-t-il. Il voudrait néanmoins obtenir de Roland Lescure qu’il « s’appuie d’avantage sur les élus locaux comme moi » en cas de ré-élection. « On lui reproche de ne jamais être là, indique-t-il au téléphone lundi. Je suis dans les négociations. Avec cette campagne, on passe à un niveau national. J’ai fait un score cinq fois supérieur à ce que j’ai fait aux consulaires de 2021. Je ne m’y attendais pas ! » . Il devrait annoncer ses intentions de vote prochainement.
Arrivés en 5e et 6e au premier tour, Alain Ouelhadj (Reconquête !) et Patrick Caraco n’ont pas l’intention d’en faire de même. « C’est un peu tôt pour décider », indique le premier. Il estime que la priorité est « d’aider les candidats Reconquête! qualifiés en France ». Pour sa part, Patrick Caraco déclare qu’il n’a « pas pris de décision » pour le second tour. « Je suis toujours en train de digérer » la campagne. Pendant celle-ci, l’élu consulaire a notamment accusé Roland Lescure d’avoir délaissé les Français d’Amérique du Nord, notamment dans le dossier de la fermeture des frontières pendant la crise sanitaire.
Pour le député sortant et son adversaire de la NUPES, une course contre la montre s’engage à présent avant l’ouverture du vote par Internet le vendredi 10 juin et le vote à l’urne le samedi 18. Portée par une forte mobilisation à Montréal, où elle a fait un peu plus de la moitié de ses voix, Florence Roger doit élargir ses réserves de voix pour espérer l’emporter. Elle cible notamment les abstentionnistes et les électeurs de Gérard Michon qui se sont portés sur sa candidature pour l’écologie, l’un des chevaux de bataille de la NUPES, partisane d’une « bifurcation écologique ». « Il dit que ses électeurs ne lui appartiennent pas. Je trouve que c’est très sage de dire cela », glisse la candidate.
Elle espère aussi être soutenue par des électeurs de « droite ou de centre droit qui s’inscrivent dans une vision gaulliste de la France » et qui pourraient être séduit par les promesses de la gauche sur la relance industrielle. « Notre bon score au premier tour montre que nous récoltons les fruits d’une prise de conscience autour des urgences écologiques et sociales. On assiste aussi à une envie de renouveau démocratique. La NUPES arrive pile à temps. »
Roland Lescure, lui, indique qu’il concentrera ses efforts sur le Canada, où sa concurrente a fait ses meilleurs scores, avec des déplacements prévus à Montréal, Ottawa et Toronto notamment. « Je préfère aller sur les terrains difficiles », explique le député sortant. Il entend faire campagne sur « des enjeux du débat national ». « On a deux visions de la France qui s’opposent et aussi deux visions diamétralement opposées des liens avec les Français de l’étranger : nous on est plutôt dans une logique de simplifier la vie des Français de l’étranger alors que, clairement, La France Insoumise veut imposer l’impôt universel. Sur l’écologie, on a également deux visions diamétralement opposées. Nous irons projet contre projet. Je n’ai aucune animosité contre Florence Roger, mais je pense que son programme est délétère pour la France et pour l’Europe ». Les deux candidats auront l’occasion d’en débattre jeudi 9 juin à Montréal à l’occasion d’une rencontre organisée par French Morning et Maudits français.
Avec Elisabeth Guédel
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