Coup dur pour les importateurs de vin français aux États-Unis ce jeudi 13 mars. En réponse aux nouveaux droits de douane de 50 % imposés par l’Union européenne sur le whisky américain, Donald Trump menace de riposter avec des droits de douane de 200% sur le champagne, les vins et autres alcools européens.
« Les scénarios sont très variés et c’est devenu impossible de prévoir, la quantité ou même les produits que nous pourrons importer », explique Kate Laughlin, PDG de Martine’s Wines, qui importe principalement des vins français. Kate Laughlin s’était associée en 2012 au Français Gregory Castells, actuel président de Martine’s Wines, pour racheter cette entreprise à Martine Saunier, une Bourguignonne qui avait lancé son entreprise depuis la Californie en 1975. Il y a six ans, Donald Trump a instauré des droits douaniers de 25% sur des produits européens, ce qui avait impacté certains vins français et les entreprises américaines comme la leur. « Cela a été très stressant et ça nous a pénalisés car nous avions des marges déjà étroites », confie Kate Laughlin.
Le système de distribution du vin aux États-Unis repose sur la règle des « trois tiers » héritées de la Prohibition comme le détaille French Morning dans cet article. Le vin doit donc passer par trois niveaux : les producteurs (ou importateurs pour les vins et spiritueux étrangers), les distributeurs et les détaillants, ce qui ajoute une difficulté supplémentaire. « C’est un vaste écosystème qui rend très difficile de prévoir les répercussions des coûts sur le consommateur », analyse Kate Laughlin.
L’entreprise californienne a subi de plein fouet ces fluctuations tarifaires, mais « heureusement, ces droits étaient temporaires et ont été supprimés, mais en attendant, il était difficile d’évoluer sereinement et d’investir dans notre équipe », souligne la PDG. Bien que ces taxes n’aient pas concerné tous les produits, leur application limitée et incertaine a rendu la gestion des importations plus complexe.
« Nous allons devoir ajuster nos prix », lance sans détour Katryn Settembre-Kowcheck, COO de Vivino Selections, une entreprise importatrice de vins européens – dont quatre petits domaines français – basée en Pennsylvanie. Elle estime pouvoir mettre en place des augmentations mesurées : « 25% je peux gérer, avec par exemple un passage d’un vin à 19,70 $ actuellement, à 19,99 $ après l’entrée en vigueur de nouveau droits douaniers », mais « 200%… Je ne sais pas ce que nous allons faire ».
Stéphanie M., viticultrice en Bourgogne au sein de son domaine familial, était à New York les 5 et 6 mars derniers pour rencontrer des professionnels du vin américain. « Nous avons rencontré des cavistes, des restaurateurs, des distributeurs et des importateurs intéressés par les vins de Bourgogne », explique-t-elle. Elle y a rencontré Katryn Settembre-Kowcheck, dont l’entreprise se spécialise dans l’importation des vins de petits domaines familiaux comme celui de Stéphanie M..
Vivino Selections défend une vision claire du vin : une diversité authentique, loin de la standardisation des productions américaines. « Le vin américain manque parfois de singularité et j’apprécie les règles en France qui valorisent le cépage unique », précise-t-elle. Stéphanie M. est inquiète, car « les États-Unis sont un marché en développement pour nous, avec de belles opportunités » mais espère « que ce climat incertain ne sera que temporaire ». Selon le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne qui publie régulièrement des chiffres sur l’exportation des vins de la région, les États-Unis représentent 23,5 % du chiffre d’affaires et 21,8 % des volumes de vins de Bourgogne exportés dans le monde (2024).
Au-delà des défis économiques, l’enjeu est aussi humain. « Nous avons 32 employés aux États-Unis, et nos distributeurs ont également des employés, ce sont des milliers de salariés américains qui seront touchés », estime Kate Laughlin, ajoutant qu’« avec des droits douaniers à 200%, chaque importateur ferait faillite ». Bien qu’elle soutienne l’équité, « 200% serait difficile à gérer mais j’espère que les négociateurs commerciaux se réuniront pour trouver un juste équilibre et préserver une relation commerciale réciproque. »