Yannick Lebrun, le seul danseur français de la compagnie Alvin Ailey, a beaucoup de talent, et une bonne dose de chance.
En 2001, ce Guyanais a été repéré par la directrice de l’école Alvin Ailey, lors d’un concours de danse en Martinique. Il avait 14 ans.
“C’est comme cela que j’ai obtenu une bourse pour réaliser un stage d’été dans l’école Alvin Ailey. Chaque année, pendant mes années au lycée, j’allais faire ce stage à New York”, raconte le jeune homme, rencontré un après-midi entre deux répétitions, chaussé de grosses bottes matelassées rouges qui lui permettent de garder ses pieds au chaud.
Une fois son bac en poche, en 2004, il reçoit une bourse de deux ans pour s’inscrire à l’école Alvin Ailey à plein temps. “C’était incroyable, j’avais 17 ans, je partais vivre à New York”, se souvient-il.
Deux ans plus tard, nouveau coup de grâce : il fait partie des élus pour intégrer Ailey II, la compagnie professionnelle junior d’Alvin Ailey, composée de douze danseurs. “J’ai commencé les tournées aux Etats-Unis, un peu à l’international. J’espérais que ce serait la petite porte vers la grande porte.”
La transition se réalise plus vite que prévu. “En 2007, un des garçons de la première compagnie a été blessé. La directrice artistique avait besoin d’un remplaçant et m’a choisi”, poursuit ce fils d’infirmière, qui a commencé la danse classique à neuf ans, à l’école de danse Adaclam de Cayenne. Cette expérience lui permet d’intégrer la “première compagnie” – la troupe principale d’Alvin Ailey – sans passer d’audition. “Depuis mon adolescence, j’avais lu tous les livres sur Alvin Ailey, j’avais les posters dans ma chambre, j’étais allé aux spectacles constamment. C’était la compagnie de mes rêves, et j’y étais”, dit-il avec encore des étoiles dans les yeux.
Depuis 2008, Yannick Lebrun est donc l’un des 30 danseurs – le seul Français- de cette compagnie mythique, créée à New York en 1958. Une compagnie qui a changé le visage de la danse américaine (apportant plus de diversité, en faisant une large place aux danseurs afro-américains) et dont les chorégraphies ont été vues par 23 millions de personnes dans 71 pays. “C’est un honneur pour moi de pouvoir représenter la France, et la Guyane, dans la plus grande compagnie moderne du monde”, confie le danseur de 27 ans.
Pour la prochaine saison, qui sera présentée du 3 décembre au 4 janvier 2015 à New York, on pourra le voir dans Odetta, Bad Blood, Uprising, ou encore Suspended Women.
Ensuite, il partira en tournée avec la compagnie pendant tout le printemps, avant de reposer cet été ses valises dans son appartement de Washington Heights, à New York. Une ville où il se sent chez lui. “Pour moi, le rêve américain est toujours d’actualité. C’est un pays où si l’on travaille, on peut aller très loin, même si l’on vient d’ailleurs. J’adore l’état d’esprit des gens ici”, affirme-t-il.
Il garde cependant un lien avec la Guyane, où vit sa famille. “J’essaie d’y retourner régulièrement. Surtout, je suis en contact avec plusieurs Guyanais à New York qui se sont lancés dans la danse aux Etats-Unis, et qui, en me voyant, se sont dit : c’est possible”, dit Yannick Lebrun. Pour eux, la barre très haute !