D’après un sondage ifop de juillet 2003, les Français seraient « révoltés » à 52% et 33% d’entre eux sont « résignés »… Rarement ils auront été si peu confiants en leur avenir et leurs dirigeants si impuissants devant la dégradation de l’économie du pays, en dépit, et sans doute à cause, d’efforts sans précédent de rigueur budgétaire. Ne nous leurrons pas, cette défiance mine la démocratie.
Dans son nouveau rapport (à paraître lundi 26 novembre et disponible sur www.clubpraxis.com), le Club Praxis souligne la profondeur du marasme actuel et propose 18 mesures concrètes pour sortir de la crise. Le constat est sans appel. Les PME françaises embaucheront cinq fois moins en 2013 que les PME allemandes. C’est un problème parce que dans les sorties de crise, comme on l’a vu récemment aux Etats-Unis, ce sont les PME qui créent des emplois. Or en France la profitabilité des entreprises est au plus bas depuis les années 80 : 6% du PIB contre 9% outre-Rhin. Le taux d’autofinancement est très faible, ce qui rend nos entreprises plus dépendantes d’un système bancaire qui sous le double effet de la crise de l’euro et des nouvelles régulations de capital prête peu. PwC vient de publier son rapport fiscal mondial. Les entreprises françaises y font très piètre figure : dans l’ensemble des taxes, charges et impôts payés par les entreprises, l’impôt sur les sociétés ne pèse que 13% contre 47% en Allemagne (signe de faiblesse), le reste partant presqu’exclusivement en charges sociales.
Nous considérons donc que la priorité de l’action publique doit être la santé des entreprises publiques et particulièrement des PME. Nous proposons de baisser les charges sociales de 100 milliards de dollars, bien au-delà des 20 milliards prévus par le plan National pour la Croissance. De façon concomitante, les quelques 750 milliards de dépenses sociales annuelles devront baisser de 100 milliards également, ce qui nous ferait revenir non dans l’Angleterre victorienne et les romans de Dickens, mais dans la moyenne européenne… Notons aussi que 100 milliards c’est 5 points de PIB, soit le différentiel de dépenses sociales entre la France et l’Allemagne.
Sait-on d’ailleurs que l’on dépense en France 34 milliards en frais de gestion des budgets sociaux, soit la moitié du rendement de l’impôt sur le revenu ? Il est temps de réduire la voilure et de remettre l’incitation à travailler au cœur de notre stratégie de sortie de crise. Cela ne peut se faire dans la jungle opaque des empilements de prestations sociales et d’avantages en nature. Nous proposons donc de remplacer la quasi-totalité des aides sociales par une première tranche d’impôt négative : c’est au fond le vrai travailler plus pour gagner plus. Il est aussi temps d’en finir avec l’illusion de la progressivité de l’impôt, et de lui préférer la justice et la transparence : nous réclamons une plus grande assiette et un maximum de deux tranches.
Il est devenu un cliché de parler de cap. Or la métaphore spatiale n’est pas la plus pertinente : la dimension importante c’est le temps. C’est dans le temps qu’il faut mieux contrôler nos dépenses et analyser la préparation des budgets de l’Etat à tous les scénarios possibles. D’où l’importance de la prospective. Un organisme indépendant du gouvernement doit pouvoir informer le public, en toute transparence, à l’instar du Congressional Budget Office aux Etats-Unis, sur les risques posés aux générations futures par notre incurie présente.
Seule la transparence et la prospective permettront de faire émerger la discipline nécessaire à une gestion anticyclique de l’économie, c’est-à-dire capable de dégager des excédents budgétaires en période de croissance soutenue.
Tous les efforts demandés ici devront s’accompagner d’un langage de vérité : les réformes structurelles ne sont pas indolores. Il est même probable qu’elles détériorent une situation économique déjà difficile. Mais si briser le cercle vicieux de la contreperformance et de la déprime était à ce prix ?