Alain Coumont n’a pas tout à fait le look d’un patron. Cheveux mi-longs, visage bronzé, chemise beige portée par dessus un t-shirt : ce Belge de 54 ans affiche sa décontraction et tutoie d’emblée. Au Pain Quotidien, on ne fait pas de chichis, on partage la table commune et le pot de confiture avec des inconnus.
Avec cette recette, le fondateur du Pain Quotidien a réussi, avec son PDG Vincent Herbert, à créer un empire de la tartine rustique-chic, qui fête ce mois-ci ses 25 ans. Un empire que l’on reconnait au premier coup d’oeil, avec ses chaises campagnardes et ses étagères en bois remplies de pains au levain ou de pâtes à tartiner aux speculoos.
Les Etats-Unis constituent le premier marché du Pain Quotidien, par ailleurs présent dans 18 pays. L’entreprise y compte 90 boutiques en gestion directe (sur 240 au total dans le monde) qui cartonnent. Le chiffre d’affaires du Pain Quotidien aux USA devrait atteindre 254 millions de dollars en 2015, en croissance de 12% sur un an, et le groupe emploie 3 000 personnes sur le territoire.
A Manhattan, où se situe le siège du Pain Quotidien, on trouve pas moins de 34 enseignes, et 2 à Brooklyn. “Et elles sont toutes rentables”, précise Alain Coumont, qui résume ainsi son concept : “offrir un bout de campagne bio dans des villes hyper-actives”. Ainsi, 70% des ingrédients utilisés sont organic : “on est l’un des plus gros consommateurs de produits bio à New York”, glisse-t-il.
A New York, Le Pain Quotidien a réussi à décrocher des emplacements de choix. Celui de Central Park, rare endroit où prendre un café au milieu du parc, enregistre des records de ventes. “Il y a des week-ends de fous. On peut faire 35 000 dollars en un jour… Mais à côté de ça, les lundis où il fait moche, on peut faire moins de 200 dollars. C’est difficile à gérer en termes de ressources humaines. Soit on a trop de monde, soit c’est désert. Dans d’autres Pains Quotidiens, c’est l’horloge suisse.” Un nouvel emplacement à ouvert dans Central Park cet été.
L’un de ses défis, dit-il, est d’arriver à maintenir une qualité constante. Il s’y emploie en allant, lors de ses passages mensuels à New York, faire quelques tests.“J’y vais et je goûte un peu de tout. Si besoin, j’envoie un petit texto pour dire que le kale a été coupé trop fin, que le cuisinier a été un peu cheap sur la vinaigrette ou que le croque-monsieur aurait pu être plus chaud.”
La concurrence ne semble pas lui faire de mal, pas même Kayser, qui a réussi une percée éclair à New York avec un concept similaire de restaurants-boulangeries. “A Flatiron, ils ont ouvert dans le même bloc. Le premier jour on a fait -2%, et un an après, la boutique était en croissance de 7%. Avec Kayser, on n’est pas exactement sur le même créneau. Nous, on propose de la pâtisserie paysanne, bio, l’ambiance n’est pas la même. Kayser, c’est un peu plus raffiné. Ils sont Versailles, on est le Petit Trianon.”
Les projets du Pain Quotidien se résument principalement à l’ouverture de nouveaux emplacements. En 2015, l’entreprise a inauguré 11 restaurants aux Etats-Unis, et le rythme devrait se poursuivre en 2016. Sa formule marche : Alain Coumont ne voit pas de raisons de la changer. Faire évoluer le menu ? Instaurer la livraison ? “On va pas commencer à faire des pizzas… Et pour la livraison, on fait 6 à 7 % de croissance par an à New York, on n’a pas besoin de ça”, répond-t-il.
Alain Coumont ne souhaite pas non plus développer davantage l’aspect boulangerie, qui plait aux expatriés français chez Kayser. “Les Américains mangent de moins en moins de pain”, assène-t-il. En revanche, les machines à café continuent de tourner sans relâche. “A Soho, on a eu à un moment un type qui venait chercher son café en robe de chambre tous les matins. Et il remontait chez lui. Pour lui, c’était plus simple que d’appuyer sur le bouton de son percolateur. On vit dans un monde de fou !”
Un monde bien différent de celui dans lequel Alain Coumont évolue au quotidien. Installé près de Montpellier depuis plusieurs années, propriétaire de vignes, il fabrique son vin bio – 15 000 bouteilles par an (Opi d’Aqui). Ce père de deux enfants de 7 et 12 ans a aussi récolté cette année, pour la première fois, “un hectare de blé ancien”, qu’il réserve à son entourage ou à ses employés qui viennent en séminaire chez lui.
Les 25 années du Pain Quotidien n’ont pas été pour lui un chemin pavé de roses. Si le premier Pain Quotidien a ouvert en 1990, Alain Coumont, endetté, a dû céder ses boulangeries cinq ans plus tard à l’un de ses actionnaires, le groupe belge Van de Kerkhove. Il a simplement obtenu le droit de les relancer en franchise aux Etats-Unis, ce qu’il fait en janvier 1997, sur Madison Avenue. Cela a tellement bien marché qu’en 2003, il rachète la marque Le Pain Quotidien à Van de Kerkhove, et s’associe au banquier Vincent Herbert. Outre Alain Coumont et Vincent Herbert, l’entreprise est également dans les mains d’une poignée d’actionnaires belges.
L’année dernière, le Pain Quotidien a été approché par Starbucks, qui a proposé de le racheter. Pour combien ? “Pas assez”, répond Alain Coumont. “Heureusement qu’Howard Schultz [le patron de Starbucks] a été radin, car sinon, ils nous auraient peut-être fermé”, lance le patron, faisant allusion au sort de la chaine La Boulange à San Francisco, rachetée puis liquidée par Starbucks.
Entrer en bourse ? Pour le moment, le sujet n’est pas sur la table. “La bourse, c’est pas très organic”, sourit Alain Coumont. Les financiers, il préfère les nourrir. En novembre, Le Pain Quotidien va inaugurer un restaurant sur Broad Street, au coeur du Financial Disctrict.
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Le mot “spéculoos” s’écrit avec deux O O. En tant que Belge, c’est un peu vexant le nom d’emblème gastronomique belge mal orthographié!