En quelques jours, le gouvernement français a dû revoir son projet de modification de l’imposition des plue-value de cessions d’entreprises. « Les Pigeons », c’est le nom que les entrepreneurs en rebellion se sont donné. Une révolte contre le budget de la France pour 2013, mais une révolte partie à 10.000 kilomètres de là.
Vendredi 28 septembre, Carlos Diaz, pdg de la société Kwarter, installé à San Francisco en Californie est le premier à réagir à une tribune de Jean-David Chamboredon, dans laquelle l’un des plus actifs business-angels de France évoque le chiffre de 60,5% de taxation pour la revente de parts d’entreprises.
« Rip l’entrepreneuriat en France » écrit Carlos Diaz sur Facebook. Très vite, ses amis entrepreneurs de France réagissent à leur tour et ensemble ils décident de créer un mouvement à la manière des indignés. Quelques minutes plus tard, la page « Pigeons, mouvement de défense des entrepreneurs français » est née, elle compte aujourd’hui plus de 63 000 fans. « Au début c’était une boutade, il n’y avait aucune volonté d’organisation politique. J’ai crée la page mais je ne pensais pas que ça allait prendre une telle ampleur » raconte Carlos Diaz.
Celui qui se décrit comme un serial entrepreneur s’est senti immédiatement concerné par le projet que préparait le gouvernement : « cette notion de liberté d’entreprendre on la vit ici de manière tellement décomplexée que ça m’a paru encore plus absurde je pense« . Car même s’il vit dans la Silicon Valley, Carlos Diaz se sent viscéralement français, « je n’ai pas fui la France, je vote en France, je suis l’actualité, mais je pense que sur le plan de l’entrepreunariat on a beaucoup à apprendre des Etats-Unis ».
Comme lui, les entrepreneurs et investisseurs français de la vallée sont nombreux à prendre part au débat. « Bien sûr que c’est un sujet de préoccupation pour nous. Ce n’est pas parce qu’on est à l’étranger qu’on ne se préoccupe pas de ce qui se passe en France, » explique Guillaume Decugis, le fondateur de Scoop.it. « La grande majorité de mes salariés sont en France, ma première boite, je l’ai créée en France et à terme j’ai envie d’entreprendre en France. »
Depuis la Californie où il vit, Guillaume soutient le mouvement. « J’ai toujours eu du mal à m’identifier aux représentants historiques comme le MEDEF ou la CGPME, ce que j’aime dans ce mouvement, c’est qu’il est spontané. On a une revendication simple et précise. J’ai toujours défendu l’idée qu’on pouvait être entrepreneur en France mais c’est clair que ce projet de réforme aurait tué la motivation. »
Il faut dire qu’ici, l’innovation est au centre de l’économie et avec elle ce que l’on appelle les « sorties ». « Se faire racheter fait partie du développement naturel d’une start-up, c’est quelque chose de positif et c’est comme cela que marche le financement » plaide André Gueziec, créateur de l’application Beatthetraffic.com.
Lui ne s’est pas impliqué dans le mouvement mais il a évidemment entendu parler des Pigeons. « Ce sont des nouvelles qui font peur, déjà les 75% avaient marqué. Les gens ne s’attachent pas aux détails, quand je parle avec les entrepreneurs américains de mon entourage, ils ont l’impression que la France est devenu un pays confiscatoire » ajoute-t-il.
Inquiet pour la réputation déjà « écornée » de la France, Stéphane Distinguin l’est lui aussi. Le pdg de Faber Novel, qui navigue entre Paris et San Francisco, est l’un des premiers entrepreneurs à avoir exprimé des réserves sur le mouvement: « je suis très inquiet des conséquences que ça peut avoir à l’étranger sur l’image de notre pays. Je préfèrerais qu’on parle de la levée de fond de Deezer ou des progrès de Critéo que de fantasmes anti-entrepreneurs ou des bévues du gouvernement » s’attriste-t-il. Stéphane Distinguin veut plutôt penser à « une maladresse et une forme de méconnaissance de nos milieux très particulier » de la part du gouvernement.
Tous s’accordent en tout cas sur la réussite médiatique de l’opération qui a permis de lancer le débat sur la place publique et réussit faire reculer le gouvernement en moins d’une semaine, mais attendent de voir comment les choses vont évoluer. « Si c’est pour avoir un système d’exceptions ou de niches fiscales, ça risque d’être compliqué. Et puis la question des investisseurs n’est pas réglée et s’il n’y a pas d’investisseurs il n’y a pas d’entrepreneurs » prévient Guillaume Decugis.
« Nous sommes en train de prendre des contacts avec les politiques, les députés et les représentants patronaux. Tout cela était une joyeuse auberge espagnole, il faut maintenant s’organiser » conclue Carlos Diaz, qui est devenu le porte-parole des Pigeons aux Etats-Unis.
Les Pigeons de la Silicon Valley qui ont fait plier Ayrault
Par Virginie Goubier / Le 9 octobre 2012 / Actualité
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