En 2008, Yves Saint Laurent mourrait des suites d’une tumeur au cerveau, laissant la famille de la mode orpheline de l’un de ses membres les plus iconiques. Six ans plus tard, deux films dédiés au grand couturier sortent sur les écrans.
Si lle premier biopic de Bertrand Bonello a été remarqué lors du festival de Cannes, celui de Jalil Lespert – “Yves Saint Laurent” – s’est fait plus discret, arrivant dans les cinémas américains à partir du 25 juin. Il a néanmoins pour lui un casting auquel il doit beaucoup : Pierre Niney, Charlotte Le Bon et Guillaume Gallienne en tête.
Pensionnaire de la Comédie Française depuis 2010, Pierre Niney, 25 ans, a déjà une carrière remplie de projets intelligemment sélectionnés. Connu notamment pour sa mini série « Castings », diffusée sur Canal Plus pendant le Grand Journal, l’acteur s’est fait un nom avec le “road movie” drôle et touchant « Comme des frères », premier film d’Hugo Gélin.
L’année suivante, on le retrouvait aux côtés de Virginie Efira dans la comédie « 20 ans d’écart ». Plutôt habitué à un registre comique, il trouve avec “Yves Saint Laurent” un rôle qui lui collera à la peau pour longtemps. Le jeune acteur ne joue pas Saint Laurent; il est Saint Laurent. Il livre ici une performance impressionnante et habitée, reproduisant les mimiques du grand couturier français. Pas de recette secrète pour son talent : « Ma seule religion c’est le travail, je ne pense à rien d’autre », confie-t-il.
Si la ressemblance avec Yves Saint Laurent est troublante dans le film, le jeune acteur raconte que « les gens ne me disaient pas trop que je lui ressemblais, mais un soir en boîte, quelqu’un est venu vers moi, complètement bourré et m’a dit que je lui ressemblais beaucoup, plaisante-t-il. Ce soir-là je portais un col roulé… ».
On suit le jeune Yves Saint Laurent, qui après avoir grandi à Oran, en Algérie, se rend en France pour travailler avec le pape de la mode, Christian Dior. Ce dernier voit en son petit protégé un talent qui ne demande qu’à s’exprimer. A la mort de Dior, le jeune Yves Saint Laurent, tout juste 21 ans, se trouve propulsé à la tête de la maison de haute couture. Il imposera sa griffe avec talent, en connaissant, comme tous les grands artistes dans leur vie, des moments de doute.
Sa vision novatrice, son amour pour l’art (qu’il partagera toute sa vie avec son compagnon Pierre Bergé) et l’exotisme, ainsi que son esprit brillant feront de lui l’un des couturiers les plus respectés de sa génération. Il est le premier à faire défiler des mannequins asiatiques et africains. Chez lui, les femmes portent des tailleurs pantalons et des robes inspirées du peintre abstrait Piet Mondrian.
Si la prestation de Pierre Niney est un succès, elle n’éclipse pas pour autant celle de Guillaume Gallienne, de la Comédie Française également, qui joue Pierre Bergé. Narrateur du film, il revient sur la vie et la carrière de son partenaire avec beaucoup d’émotion. L’empathie est tellement présente que l’on se prend à penser que le film se focalise davantage sur la relation entre les deux amants. Sur le choix de ces deux acteurs principaux, Jalil Lespert est très clair : « ces acteurs aiment jouer, Je les voulais parce que, techniquement, ils sont meilleurs que les acteurs de cinéma ».
Même si l’on ne voit Charlotte Le Bon que pendant la première moitié du film, sa présence flottera sur toute l’œuvre tant Victoire, la muse de Saint Laurent, est indissociable du processus de création du couturier. L’ex miss météo a trouvé un second souffle et sa prestation amène un peu de glamour et de liberté au film.
Avec ce film, Jalil Lespert avait une idée fixe : « je voulais montrer comment et pourquoi on devient un créateur ». Néanmoins, on pourrait reprocher à « Yves Saint Laurent » des longueurs, notamment lorsqu’on le voit prendre de la drogue. « C’était important mais cliché aussi de parler du côté obscur d’Yves Saint Laurent, avec les drogues. Je voulais amener de la lumière dans le personnage ».
Pour faire ce film, il a pu compter sur l’appui de Pierre Bergé et de toute la « famille Yves Saint Laurent » comme la nomme le réalisateur. L’équipe a eu la chance de travailler avec ses proches, notamment Dominique Deroche, du service de presse de la maison de couture. « C’est plus qu’un homme, c’est une grande famille, raconte Jalil Lespert. Un jour, j’ai rencontré une couturière d’Yves Saint Laurent, elle avait deux enfants : l’un s’appelait Yves, l’autre Pierre ».