Columbus Day. Grand jour pour les Francs-Maçons de New York. Chaque année, une délégation de la Grande Loge de New York, qui regroupe 800 loges maçonniques de l’Etat, participe à la traditionnelle “Columbus Day Parade”, devant un million de curieux agglutinés le long de la 5e avenue.
Loin d’être taboue comme en France, la franc-maçonnerie a pignon sur rue aux Etats-Unis. Outre Columbus Day, les “freemasons” s’affichent dans le cortège de la Steuben Parade allemande, tous les ans en septembre, et lors d’autres manifestations. La Grande Loge de New York dispose d’un bâtiment on ne peut plus visible au coin de la 23e rue et de la 6e Avenue. Mieux, il est possible de le visiter sur demande du lundi au samedi. Les curieux pourront notamment y croiser une statue dorée de George Washington, premier président des Etats-Unis et franc-maçon notoire. On est loin du secret qui entoure la franc-maçonnerie en France.
Plusieurs fois par mois, différentes loges se retrouvent dans les salles sans fenêtre de ce luxueux “QG” de la franc-maçonnerie new-yorkaise. Parmi elle, l’Union française numéro 17, première loge d’expression française des Etats-Unis. Créée en 1797, elle est aussi l’association française la plus ancienne des Etats-Unis toujours en activité. Ses très discrets membres sont restaurateurs, artistes, journalistes, financiers… Chaque 3e mardi du mois de septembre à juin, ils se retrouvent autour d’un “vénérable” pour des travaux de réflexion. “Nous ne sommes pas une société secrète. Ceux qui nous accusent de l’être se trompent. Avec tous les livres et les émissions de télévision, nous n’avons plus de secrets. On ne peut pas être plus ouvert qu’on ne l’est“, estime l’acteur Francis Dumaurier, ancien “vénérable” de la loge. Ouverts, mais pas au point pour sa soixantaine de membres de dévoiler leur identité. “Toute la diversité de la communauté française de New York y est représentée“, se contente de dire Francis Dumaurier.
L’Union française n’est pas la seule loge “française” à New York. Ouvertes respectivement en 1805 et 1855, la Sincérité et France-Clémente Amitié Cosmopolite s’inscrivent, comme l’Union française, dans le sillon de la Grande Loge Nationale Française (GLNF). New York compte aussi une loge affiliée au Grand Orient de France, l’Atlantide, et une loge féminine affiliée à la Grande Loge Féminine de Belgique. Le Droit Humain, obédience mixte ouverte aux hommes et aux femmes, compte également une loge.
Mais pour les Français maçons, la discrétion reste de mise, même dans un pays où la franc-maçonnerie est acceptée. Seul Francis Dumaurier, qui parle ouvertement de son appartenance à la franc-maçonnerie dans son livre électronique X-PAT NY, sorti en 2011, a souhaité être identifié pour ce reportage. “Ici c’est très ouvert, mais on garde notre côté français. Les Français pensent: ‘T’es maçon, donc t’es de la mafia“. Donc on évite de trop se répandre“, résume un restaurateur, maçon depuis plus de vingt ans.
“Il y a énormément d’intolérance vis-à-vis de la franc-maçonnerie, poursuit un Français dans l’immobilier. La Franc-maçonnerie est une affaire personnelle. Le fait d’avoir la liberté de se dévoiler est très bien. Il y a des frères qui n’ont pas envie de le faire pour des raisons professionnelles“.
Si les membres sont discrets, les organisations elles s’affichent. L’Union française dispose d’un site et organise tous les ans des pique-niques publics. D’autres, comme l’Atlantide ou France-Clémente Amitié Cosmopolite, sont listées sur le site du Comité des Associations françaises (CAF) de New York. Un souci d’ouverture que partage la Grande Loge de New York, dont le nombre de membres a chuté de 346.000 en 1929 à 54.000 aujourd’hui. “Trouver de nouveaux membres est toujours un souci. Il y en a qui retournent en France, d’autres qui prennent leur retraite en Floride“, poursuit un responsable de la Sincérité. “Il faut assez de membres pour couvrir les dépenses, la location des espaces et faire tourner l’association. On a de l’argent mais on ne croule pas sous l’or non plus. Si on ne se renouvelle pas, on peut devenir une loge morte“.
Crédit: Défilé de Francs-maçons sur la 5e Avenue / Facebook