Ce week-end, devant les grilles de l’ambassade de France à Washington, il y avait des bougies, des bouquets de fleurs en pagaille, des messages… et aussi des bouteilles de vin français, curieusement devenues un symbole de résistance.
Ces bouteilles et ces gobelets éparpillés au milieu des roses font écho à de nombreux articles et commentaires dans la presse américaine qui, comme en France, ont insisté sur un fait : vendredi soir, à Paris, c’est un certain lifestyle à la française qui a été visé, ou en tout cas l’image que le monde en général et les Etats-Unis en particulier s’en font.
“Ce qui est attaqué ici, c’est le mode de vie à la française – leur joie de vivre, leur art de vivre, leur façon de profiter sincèrement des plaisirs de la vie de tous les jours, écrit Shellie Karabell dans Forbes. Comme l’a écrit dans “Paris, France” Gertrude Stein, une écrivaine américaine qui a vécu à Paris la plupart de sa vie, les Français croient que rien n’est vraiment important dans la vie, sauf le quotidien (…)”
Pendant tout le week-end, un commentaire à un article du New York Times, rédigé vendredi soir par une personne de Santa Barbara au pseudo de Blackpoodles a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux.
“La France incarne tout ce que les fanatiques religieux haïssent : la jouissance de la vie ici, sur terre, d’une multitude de manières : une tasse de café qui sent bon, accompagnée d’un croissant, un matin ; de belles femmes en robes courtes souriant librement dans la rue ; l’odeur du pain chaud ; une bouteille de vin partagée avec des amis, quelques gouttes de parfum, des enfants jouant au jardin du Luxembourg, le droit de ne pas croire en aucun Dieu, de ne pas s’inquiéter des calories, de flirter et de fumer, de faire l’amour hors mariage, de prendre des vacances, de lire n’importe quel livre, d’aller à l’école gratuitement, de jouer, de rire, de débattre, de se moquer des prélats comme des hommes et des femmes politiques, de remettre les angoisses à plus tard : après la mort. Aucun pays ne profite aussi bien de la vie sur terre que la France (…).”
Dans le même registre, le magazine Quartz a repris et traduit en anglais les dessins de Joann Sfar, qui opposent certains traits français – épicurisme, joie de vivre, liberté – à la peur que veulent disséminer les terroristes.
Pour faire comprendre à ses lecteurs quelle a été la cible des attentats, le New York Times consacre un article au onzième arrondissement, dépeint comme un quartier festif, jeune, multi-culturel, socialement mixte et “connu pour sa bonhomie”. Le journal le compare à l’East Village de Manhattan. Pourquoi avoir ciblé ce quartier ? “Les résidents ont décrit les assauts comme des profanations délibérées d’un certain mode de vie parisien, incarné dans ce quartier par des boutiques de bottes en cuir sur-mesures, des galeries d’avant-garde, des magasins de disques, des restaurants haut-de-gamme, des cafés et des synagogues”, écrit le New York Times.
Sur un autre ton, John Oliver, l’animateur du LastWeekTonight, s’est amusé de la fracture entre la culture française et l’idéologie de l’Islam radical. “Si vous [les islamistes d’ISIS] menez une guerre culturelle et idéologique avec la France, et bien putain, bon courage ! Vous allez y aller, avec votre idéologie creuse. Eux vont vous sortir Jean-Paul Sartre, Édith Piaf, le bon vin, les Gauloises, Camus, le camembert, les madeleines, les macarons, Marcel Proust et la pièce montée. La PIECE MONTEE. Vous débarquez avec votre philosophie d’abnégation rigoureuse au beau milieu d’une guerre pâtissière, les mecs. Vous êtes foutus, les gars!”