Symphony sera-t-il le “Bloomberg killer” ? David Gurlé ne souhaite pas s’étendre sur le fameux terminal de Bloomberg, incontournable dans le monde de la finance.
“Les gens, s’ils le veulent, peuvent avoir les deux… L’une des différences, c’est que nous nous adressons à un public plus large, et que nous sommes infiniment moins chers”, commente-t-il, dans un francais mâtiné d’un léger accent américain. Installé depuis 1999 aux Etats-Unis, David Gurlé, 48 ans, n’a plus beaucoup d’occasions de parler en français. “Mais il suffit que je repasse quelques jours en France pour que cet accent disparaisse”, dit-il avec un grand sourire, avant d’attraper son micro et de prendre la parole devant une trentaine de journalistes.
Ce mardi 15 septembre était le jour du démarrage officiel de Symphony, sa plateforme conçue pour les professionnels du monde de la finance. Lancée en beta il y a quelques mois, Symphony compte déjà parmi ses 30 000 utilisateurs quotidiens les plus gros acteurs du secteur, parties prenantes de ce projet. L’été dernier, un consortium de quinze banques (Goldman Sachs, JP Morgan Chase, Bank of America, Wells Fargo…) a en effet investi 66 millions de dollars dans la start-up de David Gurlé.
Qu’a donc de particulier cette interface, qui ambitionne de devenir l’outil de travail principal des traders ou analystes financiers ? Elle permet d’échanger des informations, communiquer avec des collègues via des “chat rooms” privées ou publiques, partager des documents, publier sur un “mur”, “suivre” certaines personnes à la manière de Twitter… Le tout dans un environnement encrypté et sécurisé. Symphony permet aussi de recevoir des informations en temps réel, ciblées selon ses intérêts : la plateforme intègre le fil des dépêches de Dow Jones, les informations financières de McGrawHill, et, via l’agrégateur Selerity, les articles finance et business issus de différents médias.
Des services similaires à ceux offerts par les terminaux Bloomberg. Sauf que Symphony est proposé à un prix bien inférieur (180 dollars par utilisateur par an, au lieu de 20 000 dollars par utilisateur et par an pour chaque machine Bloomberg), avec une technologie plus souple et ouverte, utilisable aussi bien sur un mobile que sur un ordinateur.
Symphony ambitionne ainsi devenir l’outil de travail de Wall Street ou de La City, adapté au travail d’équipes et sans failles. “Nous voulons en finir avec la tyrannie des multiples services de messageries instantanées, et intégrer tout dans une même interface interactive et universelle”, déclare le CEO de Symphony. Si Symphony est lancé pour le monde de la finance, “nous souhaitons nous étendre au domaine juridique, au monde de l’expertise comptable, de l’audit, de la santé… Ce sont des prochaines étapes pour nous”, poursuit David Gurlé, fort de ses vingt ans de carrière dans le monde des technologies.
Son parcours, néanmoins, n’est pas banal. Fils d’un diplomate français, il a passé son enfance entre la Turquie, la Syrie et le Liban. Sa mère, journaliste pour la BBC, travaillait aussi pour les services secrets britanniques (“J’ai appris le rôle de ma mère après son décès”, précise David Gurlé). Il revient en France pendant son adolescence, suit des études d’ingénieurs à l’Esigetel, à côté de Paris, puis entre chez France Télécom.
Il est embauché en 1999 chez Microsoft, aux Etats-Unis. Quelques années plus tard, il bascule chez Thomson Reuters, l’un des concurrents de Bloomberg. Spécialiste de la technologie de “voix sur IP” (transport de la voix sur les réseaux et sur internet), il entre chez Skype en 2010, quelques mois avant son acquisition par Microsoft. Avant de monter sa start-up en 2012, il était responsable, chez Microsoft, des services “business” de Skype. Aujourd’hui, ce père de deux enfants dirige les 130 salariés de Symphony depuis Palo Alto, et garde un pied à Wall Street. A ses heures perdues, il pilote aussi des avions, son autre passion.