Thomas Gayno attrape deux mugs de café à moitié vides, une éponge, et se dirige vers la cuisine de son espace de co-working de Williamsburg. « Il faut que je m’habitue à ça », sourit-il.
Chez Google, où ce diplômé de l’EM Lyon a grimpé les échelons pendant huit ans, pas question de faire le ménage. Et les services offerts aux salariés le rendent un peu nostalgique. « Ce qui me manque le plus, c’est la nourriture gratuite », glisse l’ancien chef de projet du Creative Lab de Google, à New York.
Pour le reste, il ne regrette rien. Depuis avril, la nouvelle vie de patron français de 31 ans, baskets et sweat à capuche, tient en quatre lettres : Cord. Une application qu’il lancée le 4 septembre sur l’App Store avec un de ses anciens collègues (Jeff Baxter), grâce à une levée de fonds de 1,8 million de dollars. Parmi les 17 investisseurs figurent Google Ventures, Metamorphic Ventures, le fonds Lerer-Hippeau, Xavier Niel, Pierre Kosciusko-Morizet…. « Côté téléchargements, ça démarre fort en France et aux Etats-Unis. On a complètement réalisé nos objectifs », se félicite le jeune homme, qui planche sur la version Android.
De quoi s’agit-il ? D’une alternative aux SMS ou e-mails, qui permet d’envoyer des messages vocaux de 12 secondes maximum à ses contacts (qui doivent avoir téléchargé Cord). On presse pour enregistrer sa prose, et le destinataire reçoit une notification.
« Cela n’a rien avoir avec le répondeur », prévient Thomas Gayno, qui sait que la messagerie, délaissée, est détestée par nombre d’utilisateurs. « Le répondeur, c’est une expérience qui conclut l’échec d’un appel. Et puis, la consultation est laborieuse, les messages trop longs… »
L’interface de Cord se veut au contraire très simple. « C’est incroyable tout ce qu’on dit avec la voix, par rapport au SMS ou au mail. Non seulement on donne plus d’informations plus rapidement, mais on fait passer plus d’émotions, de nuances. Et on peut le faire en marchant, en conduisant », raconte Thomas Gayno, qui dit répondre « à plein de messages » sur le trajet entre son bureau et le métro.
Reste qu’il est difficile d’envoyer discrètement un « Cord » un peu perso dans une réunion ou dans un open-space. « L’écrit ne va pas disparaître, car il permet de partager ses pensées sans que les autres ne soient au courant. Mais il peut aussi créer des tensions avec son entourage, perturber la communication. Cord crée une contrainte de transparence intéressante. » Il ajoute que la voix sera aussi nécessairement amenée à se développer à mesure que chacun sera équipé d’interfaces sans claviers, ou avec de très petits écrans (montres, bracelets, lunettes et vêtements connectés…). « Cord pourra faire le lien entre toutes ces interfaces », raconte celui qui, chez Google, a piloté une équipe de développement de Google Glass.
Le terrain n’est cependant pas vierge, car d’autres applications (WhatsApp, Skype ou Facebook Messenger) proposent cette option de messages vocaux. Mais le pari de Cord est de se dédier entièrement à cette fonctionnalité, avec une interface adaptée. « Cord peut être utilisée par n’importe qui, car il n’y a quasiment pas de texte. Ma fille de deux ans m’envoie des messages. Et puis, dans certains pays, en particulier en Asie, l’utilisation du clavier est très compliquée, et Cord pourrait bien fonctionner », poursuit Thomas Gayno. Encore une corde de plus à son arc.