“Tout est mathématisable“. Dans le monde de Christophe Barraud, pas de place pour le hasard. A 27 ans, le Français, économiste-en-chef et stratégiste au sein de la firme parisienne Market Securities LLP, a été élu “meilleur prévisionniste de l’économie américaine” par le site financier Bloomberg. Son nom sera révélé dans le numéro de janvier du magazine Bloomberg Markets.
M. Barraud (ci-contre) devance cent autres prévisionnistes retenus dans ce classement qui s’appuie sur les estimations d’évolution de 15 indicateurs mensuels (immobilier, PIB, chômage…) sur une période de deux ans. C’est d’autant plus fort que “je n’ai jamais mis les pieds aux Etats-Unis“, admet le matheux.
Avant de prédire les soubresauts de l’économie américaine, le truc de Christophe Barraud, c’était plutôt les courses de chevaux. Il découvre les paris hippiques avec son père. “En regardant les historiques, j’ai mis en place, de manière sommaire, des stratégiques systématiques pour gagner à chaque fois. Ce n’est pas forcement efficace. Cela a changé quand les paris en ligne ont explosé. Je me suis plongé dans la littérature empirique, quelles variables les bookmakers utilisaient par exemple, confie-t-il. Au fur et à mesure, j’ai aussi regardé les élections, les matches de tennis…”
Diplômé de l’Université Dauphine, où il obtient un PhD – et signe une thèse sur les ressemblances entre les paris hippiques et les marchés financiers – il travaille pour la banque Dexia où il devient spécialiste du marché de l’immobilier américain. Plus difficile que de designer le vainqueur d’une course hippique, ou d’un match de tennis où “l’on peut chiffrer la capacité de retours, les aces, etc.“. “On peut être surpris. Une bombe peut tomber par hasard, le shut down se produire, ou un pays comme Chypre peut faire une demande de sauvetage bancaire un vendredi soir. On ne peut pas tout prévoir”. Ses journées consistent en l’analyse d’indicateurs, mais aussi une lecture scrupuleuse de la presse, des blogs, des enquêtes d’opinion et des données “auxquelles on ne pense jamais“. “L’impact des grèves par exemple. Ou encore la météo, qui influence les ventes au détail et les mises en chantier. Il faut regarder tout ce qui se passe, avoir de la minutie“.
Les modèles de prévision qu’il crée sont “simples“, dit-il.”Pas la peine de prendre 20 variables pour en anticiper une. Plus il y a de variables, moins ça marche.” Avec 60,61 points (sur 100) dans le classement de Bloomberg, le Français devance largement ses concurrents, non-américains pour la plupart. Un duo allemand de la Commerzbank arrive en deuxième position. Une reconnaissance qui fait chaud au cœur. “Ca va m’aider au niveau des clients“, dit-il, et de ses patrons. “Ils sont satisfaits“, commente-t-il.
M. Barraud se veut optimiste sur l’avenir de l’économie américaine. Pour lui, “le plus dur est passé“, observe-t-il. “Mon job est mathématique et humain à la fois. Car derrière les maths, il y a toujours des comportements humains.” Sa notoriété nouvelle lui permettra peut-être de découvrir les Etats-Unis au-delà des chiffres. “J’irai bien à Las Vegas, glisse-t-il. Evidemment“.