Dans leurs costumes noirs avec cravates assorties, ils n’ont pas l’air très à l’aise. Sur le tapis rouge non plus. Invités à recevoir le prix du Courage et de la liberté d’expression au nom de Charlie Hebdo, Gérard Biard, rédacteur en chef, et Jean-Baptiste Thouset, critique de cinéma, ne semblent guère dans leur élément au gala du PEN, association internationale d’écrivains. Mais ils ont fait l’effort.
Ils sont arrivés à New York précédés d’une polémique qui a agité le monde littéraro-politique local; ils sont repartis ragaillardis par une “standing ovation” reçue lorsque Gérard Biard est venu à la tribune dire que “être choqué fait partie du débat démocratique, pas se faire tirer dessus” (“Being shocked is part of democratic debate. Being shot is not”).
Sous la baleine géante du Museum d’histoire naturelle où se déroulait le gala, “les Charlie” n’ont semble-t-il que des amis. Salman Rushdie, qui a quelque expertise en matière de courage et de liberté d’expression, était sans pitié pour les accusateurs de Charlie Hebdo.
Le dessinateur Art Spiegelman est là aussi, convoqué à la dernière minute pour présider une table après le désistement des six écrivains (dont l’Australien Peter Carey et le Canadien Michael Ondaatje) qui ont déclenché la polémique, soutenus depuis par plus de 200 signataires de la pétition. “D’habitude je dis toujours non à ce type de choses, les dîners en smoking ça n’est pas mon truc, mais là il fallait réagir tant les arguments de ces “moralistes” n’ont pas de sens”, dit-il.
Ces arguments, ce sont ceux déployés dans la lettre dans laquelle les écrivains dénoncent la remise du prix à l’hebdomadaire, accusé de “valoriser un contenu offensant : un contenu qui attise les sentiments anti-islam, anti-Maghreb, anti-arabe qui sont déjà courants dans le monde occidental”.
Depuis l’attentat de janvier, Charlie Hebdo est fréquemment accusé de racisme aux Etats-Unis. Le gala du PEN aura été l’occasion de réfuter ces accusations. Le président de SOS Racisme, Dominique Sopo, est venu de Paris pour dire que “Charlie Hebdo a été de tous nos combats (…) il ne faut pas tuer une seconde fois ceux qui sont morts le 7 janvier”. L’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou, installé aux Etats-Unis depuis de nombreuses années, lui a remis le prix.
En véritable tournée américaine d’explication, Biard et Thouset ont eu à coeur d’expliquer leurs positions au public américain. Invité le matin de la cérémonie par le “comité éditorial” du New York Times, puis à une conférence à la New York University, les deux hommes ont expliqué “la longue tradition satirique française” dans laquelle s’inscrit le journal.
“Il ne s’agit pas d’offenser mais de remettre en question, rappelle Gérard Biard à NYU. Charlie Hebdo s’est toujours battu contre le racisme, les discriminations envers les minorités, les faibles, les pauvres. Nous ne nous battons pas contre les religions mais contre l’usage politique des religions.”
Mais ils sont vite rattrapés par l’actualité, en l’espèce la tentative d’attentat à Garland au Texas contre un groupe “anti-islamiste” organisateur d’un “concours de caricatures de Mahomet”. L’affaire a immédiatement suscité des comparaisons dans la presse américaine entre le groupe American Freedom Defense Initiative présidé par Pamela Geller et Charlie Hebdo.
Une comparaison qui énerve évidemment Gérard Biard. “La différence fondamentale entre eux et nous, c’est que nous, nous ne souhaitons pas l’extinction de l’islam”, a-t-il expliqué. “Quand Geller se lève le matin, elle se demande probablement comment elle va bien pouvoir défier ces gens, moi je me demande simplement où est mon café !”
C’est dur d’être aimé par des cons !
Emmanuel Saint-Martin et Emmanuelle Drouineau
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On peut polemiquer. En tous cas, ces gars-la sont courageux !
Je pense qu’ils ont raison sur bien des points