“Moi, c’est Bruno, pas Monsieur le ministre” . A New York, Bruno Le Maire s’est livré, vendredi, à un échange à bâtons rompus avec une centaine de militants et sympathisants UMP. Le cadre avait de quoi inspirer: les photos de mannequin sexy et les soutiens-gorge dentelés qui peuplent les locaux d’Adore Me, la société de vente de lingerie en ligne du Français Morgan Hermand-Waiche.
UMP, Front national, Europe, menace terroriste et même calcul de la pénibilité pour les agriculteurs sur leur tracteur: l’ancien ministre de l’agriculture de Nicolas Sarkozy, surprise de la primaire pour la présidence de l’UMP avec 29% des voix, n’a pas ménagé sa peine. Il a livré un diagnostic “pas très optimiste” sur la France, que “le PS est en train de couler” . Et mis en garde son camp en vue des échéances de 2017. “Le mieux que nous puissions faire, collectivement, c’est de nous préparer mieux que nous le faisons” , a-t-il dit.
La rencontre est venue conclure deux journées chargées pour le député de l’Eure, riches en photo-ops pour celui qui doit se prononcer “fin 2015-début 2016” sur sa candidature aux primaires de l’UMP pour la présidentielle. A New York, accompagné de deux collaborateurs (dont un basé à Boston), il avait notamment rendez-vous avec Henry Kissinger, le représentant permanent de la Chine à l’ONU, le secrétaire général à l’ONU Ban Ki-Moon et le président de l’American Jewish Committee David Harris, avec lesquels il a évoqué l’Ukraine, la lutte anti-terroriste et l’antisémitisme en France.
Son déplacement intervient dans un contexte politique mouvementé, marqué par le passage en force du gouvernement sur la loi Macron et la montée du Front National. “Est-ce que la droite est prête à revenir au pouvoir? Non! , a-t-il prévenu. Demain, si on est derrière le bureau et qu’on doit décider quelles personnes on appelle, quels décrets on signe, quelles lois on vote, on n’est bien incapables de répondre à ces questions” .
Devant des militants qui seront amenés à se choisir un candidat pour la présidentielle, l’ex-ministre de Nicolas Sarkozy s’est livré à un drôle de numéro d’équilibriste: rester solidaire du parti tout en se présentant comme un “représentant politique libre” , soucieux de faire entendre sa différence. Un positionnement qui ne plait pas à tous. Lors des échanges, parfois directs, un participant lui a reproché de faire cavalier seul, sans “respecter” la ligne fixée par Nicolas Sarkozy de “nettoyer les écuries d’Augias” .
“Mon choix politique, ma démarche c’est d’aller voir les Français pour les interroger. Je suis un homme politique libre. Ma liberté, je l’ai gagnée en allant devant les militants UMP, s’est défendu l’élu. Si on me demande d’aller réfléchir sur le nouveau nom de l’UMP, ça ne me parait pas la priorité absolue. Le pays va trop mal pour qu’on parle de nos problèmes internes. J’assume et je revendique ce choix. Je respecte le président de l’UMP, je travaille très bien avec lui, mais c’est lui qui est en charge du parti, avec mon soutien total. Mais mon job n’est pas celui-là” .
Referendum
Sa différence, Bruno Le Maire veut la faire entendre sur des sujets aussi divers que la revalorisation de la profession d’enseignant, la flexibilisation du droit du travail, la réforme de la fonction publique et l’intégration européenne. Il a mis en place des groupes de travail pour l’aider à réfléchir sur l’économie et la justice notamment.
A New York, il a aussi plaidé pour l’interdiction du cumul des mandats et leur limitation dans le temps, l’abaissement du nombre de députés à “400 maximum” et l’interdiction pour les politiques de conserver un poste dans la haute fonction publique. “Ces mesures passeront uniquement par referendum, estime-t-il. S’il y a un seul referendum à faire, c’est bien sûr la classe politique française et son fonctionnement” .
Le public est reparti sans trop de doutes sur les intentions de Bruno Le Maire. “Il est clairement en campagne” , observe un militant, au terme de plus d’une heure d’échanges. “Ca fait des années que je suis à l’UMP et c’est la première fois que je vois autant de jeunes. Ils sont intéressés par la politique, et le personnage en particulier” , raconte un autre. Officiellement, l’intéressé n’a toujours pas pris sa décision pour se lancer dans la bataille des primaires. “Il se prépare à se préparer” , raconte son entourage.