A mille lieux des mastodontes à gros budgets nominés aux Oscars, « Aya » est une petite perle tombée du ciel. 39 minutes de poésie qui racontent la rencontre fortuite d’un Scandinave et d’une Israélienne à l’aéroport de Tel-Aviv.
A son arrivée, le voyageur prend par erreur la jeune femme pour son chauffeur – ce qu’elle ne va pas démentir. Ce n’est qu’une fois en route vers Jérusalem qu’elle se décide à lui avouer la vérité.
« Même si notre style cinématographique est très différent du cinéma hollywoodien, c’est une belle consécration, un peu surréaliste, d’être nominé aux Oscars et de se retrouver ici à Los Angeles », raconte le réalisateur israélien Oded Binnun. Le jour de l’annonce des nominations, il avait laissé sa femme, Mihal Brezis, avec laquelle il a co-réalisé « Aya», regarder les résultats et le prévenir par SMS.
Leur court-métrage, largement salué par la critique et récompensé par les Ophir Awards (l’équivalent israélien des Oscars), est le fruit d’une collaboration franco-israélienne, entre deux maisons de productions. Côté israélien, Cassis Production, fondé en 2011 par Hillel Roseman, producteur de la série israélienne In Treatment, et Yaël Abecassis, l’actrice fétiche du célèbre réalisateur Amos Gitaï. Aya est leur tout premier bébé. « Ce qui est drôle, c’est que notre rencontre avec Hillel a eu lieu dans un aéroport, comme dans le film ! C’était très bref, car nous étions sur le point de prendre une correspondance, mais nous avions promis de nous recontacter très vite », raconte Mihal Brezis.
L’initiative du film est en fait venue du côté français, grâce au système de subventions hexagonales, favorables aux co-productions internationales, et plus particulièrement aux courts-métrages. « Pablo Mehler de chez Divine Productions, avec lequel nous avions déjà travaillé sur notre précédent film, nous a contactés pour nous prévenir qu’il avait obtenu des fonds pour un nouveau court-métrage. Nous avons alors décidé de transformer notre long-métrage sur lequel nous étions en train de travailler, en film court.» Une belle opportunité, vu le succès du film. Le couple de réalisateurs s’est d’ailleurs remis à plancher sur une version longue d’« Aya ».
Un cinéma franco-israélien
Au-delà même de la production, les influences françaises du film sont nombreuses, reflet du poids de la francophonie en Israël, où résident de nombreux Français, Marocains, Algériens et Tunisiens. « L’actrice principale, Sarah Adler (Les Méduses, Marie-Antoinette) est franco-israélienne. Yaël Abecassis est une francophone d’origine marocaine, qui a des liens forts avec la France et le cinéma français. Je suis moi-même la fille de deux Français », raconte Mihal Brezis, qui a choisi d’élever son fils dans la langue de Molière.
« Pour Aya, nous avons été très inspiré par un film de Catherine Breillat, Brève Traversée. Sauf qu’il y a beaucoup plus de scènes de sexe que dans Aya !», s’amusent les deux réalisateurs.
La nomination du film d’Oded Binun et Mihal Brezis aux Oscars vient aussi confirmer l’essor d’un nouveau cinéma israélien qui plaît à l’international. « C’est un cinéma plus mûr, capable d’explorer des thématiques qui ne sont plus exclusivement politiques ou centrées sur le conflit. Et qui parle désormais aussi bien aux Israéliens qu’à un plus large public. »