“Cette ville enchanteresse était devenue comme une prison“. Anne Sinclair parle facilement de l’affaire qui l’a placée, malgré elle, sous les feux médiatiques, à New York un certain mois de mai 2011, après l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn. New York, sa ville natale, qu’elle associait à des souvenirs d’enfance délicieux – “Noël“, “la luge à Central Park“, “le chocolat chaud“, “les jouets de FAO Schwartz” – et où elle apparut comme la femme trahie, aux côtés de son homme dans la tempête. Mais, “cette petite histoire“, comme elle l’appelle pudiquement aujourd’hui, est “derrière moi“.
Depuis “ce moment violent“, Anne Sinclair est revenue souvent à New York – discrètement. Sa tante, Elaine qui, à 93 ans, “a toujours bon pied bon œil” et deux cousines franco-américaines y résident toujours. Ses fonctions à la tête du Huffington Post français la conduisent ici aussi.
Elle revient ce mardi 23 septembre, à la New York University, comme auteure pour parler de son grand-père, Paul Rosenberg. La biographie qu’elle lui consacre, 21, rue La Boétie, l’adresse de la galerie qu’il possédait à Paris avant la Deuxième Guerre mondiale, sort aux Etats-Unis sous le nom de My Grandfather’s Gallery:A Family Memoir of Art.
“Reconnaissant envers les Etats-Unis”
“Ce n’est pas un livre d’histoire, ou un livre d’art. C’est un hommage à mon grand-père. C’était un personnage suffisamment discret tout au long de sa vie pour ne pas faire sa propre promo. J’avais envie de le faire connaître auprès des Américains.” Au début du XXème siècle, Paul Rosenberg était l’un des collectionneurs d’art les plus réputés de France et le plus grand promoteur de l’art moderne. Sa galerie réunissait des titans comme Braque, Matisse et Picasso, dont le galeriste était très proche. Anne Sinclair raconte dans son livre que les deux hommes, qui étaient voisins, s’apostrophaient à travers les fenêtres de leurs appartements, qui donnaient sur la même cour. Picasso allait jusqu’à montrer ses œuvres par la fenêtre pour avoir l’avis de “Paul“.
La guerre a brisé cette douce vie parisienne. L’Institut des Etudes des Questions Juives (IEQJ), un organisme de propagande anti-juive, s’est installé en lieu et place de la galerie de la rue La Boétie. Mis sur liste noire parce qu’il est juif, Paul Rosenberg doit quitter Paris. Direction New York, comme d’autres exilés, via l’Espagne puis le Portugal. “Mes grands-parents étaient éternellement reconnaissants aux Américains de leur avoir donné la vie sauve, d’avoir permis à mon grand-père de redémarrer une carrière. Ma mère était assez éblouie par la facilité des choses, la différence culturelle avec l’Europe.“
Là, dans la frénésie du New York, les joies se mêlent aux douleurs pour les Rosenberg. Celle par exemple de se voir retirer la nationalité française par le gouvernement de Vichy – “une blessure terrible“. La joie, c’est celle de pouvoir rouvrir une galerie, sur la 59eme rue – “Il y a un grand magasin Nike maintenant“, indique Anne Sinclair – puis une autre sur la 79eme rue, dans un bâtiment qui est resté dans la famille.
Paul Rosenberg n’arrive pas à New York en terrain inconnu. Il était l’ami d’Alfred Barr, le légendaire directeur du MoMA, avec lequel il organise la première rétrospective américaine sur Pablo Picasso en 1939, avec des tableaux donnés au musée new-yorkais pour que les nazis ne s’en saisissent pas. Et il avait fait la promotion de l’art moderne à Chicago, New York “et même Kansas City” dans les années 20. Pour constater que les Américains n’étaient pas prêts pour ce genre d’art. “Mais il n’a pas baissé les bras. Il a compris très tôt qu’il était important de faire connaitre cette peinture aux Américains.“
“Enchantée”
Anne Sinclair a plongé dans le passé de ce “défricheur de l’art moderne” qu’elle connaissait si peu – elle avait 11 ans quand il est mort. Après le décès de sa mère, elle a retrouvé des correspondances entre Paul Rosenberg et ses peintres, exhumé des “papiers de famille“, interrogé des proches et retourné sur les traces de sa famille.
Elle se rendait à New York quand elle habitait à Washington DC avec Dominique Strauss-Kahn, pour faire ses recherches, et a fini d’écrire le livre dans l’appartement de TriBeCa, où elle était enfermée avec son ex-mari sous l’œil de journalistes du monde entier. “Quand est venue la soixantaine, ma mère a disparu, il y a eu le déclic de la loi sur l’identité nationale, ça a remué des souvenirs. On est fait de plusieurs morceaux et il n’y aucune raison de ne pas mieux connaitre ce grand-père que j’avais mal connu, avec un talent et un œil infaillibles.” Un morceau d’elle qu’elle partage pour la première fois avec le peuple qui a accueilli Paul Rosenberg “à bras ouvert” en septembre 1940, il y a 74 ans quasiment jour pour jour. “Je suis enchantée de revenir.“
0 Responses
Cette femme a toujours été dans le déni… et mentir en disant qu’elle ne “savit rien” c’est une honte!
Les chocolats prennent un “s” et le verbe apparaitre prend un “t” au singulier de la troisieme personne
du passe simple.
A great woman with real life and roots so strong..life has not always been tender with her …but she continue to to what she knows best..tell stories /be a journalist..
xoxo
Yael Guetta
http://www.ftwwl.com